Pour comprendre la suite des événements, il est important de rajouter ici un peu de contexte : l’Olympiade Internationale devait cette année avoir lieu à St-Pétersbourg. Tout d’abord reportée au mois de septembre (alors qu’elle a habituellement lieu en juillet), l’édition de cette année est finalement délocalisée. Nos six élèves composeront donc à Champs-sur-Marne, à l’université Gustave Eiffel et plus précisément à l’ESIEE Paris. Nous remercions l’ESIEE d’avoir accepté de faire figure de centre d’examen et d’avoir permis aux élèves de passer l’épreuve dans les meilleures conditions.
Cette année, l’équipe de France est composée d’Elias Caeiro, Yaël Dillies, Aurélien Fourré, Vladimir Ivanov, Alec Le Helloco et Anna Luchnikova. Les élèves sont accompagnés par Vincent Jugé (team leader) et Martin Rakovsky (deputy leader).
La France a battu tous les records cette année, autant individuellement que collectivement, en se classant 14ème de la compétition et en remportant 1 Mention Honorable, 1 médaille de bronze, 3 médailles d’argent et 1 médaille d’or (et un élève finissant 4ème de la compétition) !!!
Le site officiel de la compétition est ici.
Dimanche 20 septembre : Ce n’est pas un voyage en Russie, mais c’est un voyage quand même !
Il est midi lorsque les premiers élèves de l’équipe arrivent à l’Institut Henri Poincaré, notre point de rendez-vous. Vincent et moi retrouvons avec plaisir Anna, tout de rouge vêtue, sans doute en espérant que d’autres membres de l’équipe arriveraient habillés en bleu et en blanc, Aurélien, portant fièrement le t-shirt de l’OIM 2019 pour rappeler que malgré son jeune âge, il est déjà vétéran, Yaël toujours aussi détendu et souriant et Vladimir et Elias qui, après un bonjour furtif, replongent dans leur discussion animée sur un problème de théorie analytique des nombres.
Nous sommes également rejoints par deux des quatre membres de l’équipe marocaine, Inès et Abderrahmane, qui composeront dans la même salle que les six élèves français. Nous effectuons alors une première tentative de photo, ce qui est l’occasion d’en rappeler l’intérêt et le procédé :
Nous retrouvons également Martin Andler, qui sera notre commissaire et dont la charge est de s’assurer que cette édition délocalisée se passera dans le total respect des règles (et il est aussi, à ses heures perdues, le vice-président et fondateur d’Animath).
Heureux de la semaine en perspective et de nous être tous retrouvés, nous nous rendons prestement dans une pizzeria pour le repas de midi et c’est le moment des premières anecdotes sur les OIM passées.
Une fois le ventre bien rempli et rejoints par Alec, nous sommes en condition pour apprécier la cérémonie d’ouverture de la compétition, retransmise sur Youtube, (lien ici) :
Il faut savoir qu’habituellement, une telle cérémonie d’ouverture prend plusieurs heures. En effet, si nous étions allés en Russie, nous nous serions déplacés de l’hôtel vers le lieu de la cérémonie d’ouverture. Nous aurions attendu que les team leaders (habituellement séparés du reste de l’équipe) s’installent dans la salle de la cérémonie. Puis, la cérémonie aurait commencé avec les discours des divers acteurs locaux et organisateurs de la compétition. Elle se serait poursuivie d’un défilé pour présenter chacune des équipes invitées (et il y en a généralement une petite centaine), puis d’autres discours auraient été prononcés par d’autres acteurs locaux et d’autres organisateurs de la compétition…une telle cérémonie nous aurait occupés toute l’après-midi.
Mais il n’en est rien cette année ! La cérémonie, bien qu’agrémentée de discours et de présentations de la ville de St-Pétersbourg, à l’aide d’une alternance entre le direct et le préenregistré avec une intégration en arrière-plan des commentaires Youtube en live, un montage criant de réalisme avec un jeu d’acteur poignant du président du comité d’organisation de l’OIM Geoff Smith, feignant de visiter la ville de St-Pétersbourg avec un appareil photo dernier cri, suivi d’une intervention émouvante de ce dernier, cette cérémonie pourtant rondement menée n’a duré que 45 minutes.
On a pourtant eu l’occasion d’y voir un montage vidéo où l’on pouvait admirer chaque équipe se présentant, parfois devant l’un des monuments locaux. Nous avons tout particulièrement apprécié la présentation de l’équipe de la Lituanie et de l’équipe de l’Estonie et bien sûr la présentation du pays au drapeau bleu-blanc-rouge.
Ainsi à 14h45, il ne fallait pas plus qu’une boîte de « 6 qui prend » discrètement placée au centre de la table par Aurélien pour lancer une partie endiablée.
Nous passons ensuite à l’IHP récupérer nos bagages et en profitons pour prendre la fameuse photo d’équipe, l’occasion de voir si les élèves ont bien compris les explications de Vincent :
Une dernière promenade pour prendre une glace et nous voilà partis vers l’hôtel IBIS de Champs-sur-Marne, en faisant nos adieux déchirant à Martin Andler. Mais hauts les cœurs, nous le reverrons demain pour l’épreuve. Arrivés à la station de RER, première difficulté. En effet, il n’avait pas échappé à Vincent, Alec et Yaël que lorsque le RER s’arrête et que les portes s’ouvrent, il faut monter dedans, sous peine de rester sur le quai. Cette subtilité était plus difficile à saisir pour le reste de la meute, qui retentera sa chance lors du passage du prochain RER. Nous faisons ensuite nos adieux déchirants à notre team leader préféré, le grand manitou, Vincent. Mais hauts les cœurs encore, puisque nous le reverrons bientôt aussi.
Arrivés à l’hôtel, nous retrouvons Adam et Mohammed pour compléter l’équipe marocaine. Nous passons la soirée tous ensemble. Les sujets de conversations ne manquent pas. D’abord des sujets plutôt plaisants comme des spéculations sur les thèmes des problèmes de demain (géométrie ? combinatoire ?), des anecdotes des précédentes compétitions…puis des sujets plus sérieux : laquelle des saga est la plus intéressante, Harry Potter ou le Seigneur des Anneaux, la fin de Games of Thrones est-elle si mauvaise… Finalement, nous décidons d’aller nous coucher de bonne heure car demain, les choses sérieuses (un peu sérieuses) commencent.
Lundi 21 septembre : Jour 1, celui qu’on retient
Ce matin, nous nous retrouvons à 8h30 (oups…9h) pour un petit déjeuner plutôt léger. Je suis manifestement le seul à avoir mal dormi, ce qui est donc une bonne nouvelle puisque cela signifie que les élèves sont en formes. L’envie de faire des maths se fait sentir mais un peu de patience, il faut se garder pour cet après-midi. Nous sommes alors tous choqués par la comparaison osée d’Anna entre les commentaires composés en français et les exercices des olympiades de mathématiques. Une fois remis de nos émotions nous entamons une partie de cartes que je dois quitter prématurément pour rejoindre Vincent et Martin A et effectuer les derniers préparatifs de la salle.
Le déjeuner se passe sans encombre et il est de plus en plus difficile pour nos élèves de ne pas voir des maths partout : si dans mon assiette (dont le nom du plat est intitulée pokébole) il y a 6 types d’aliments répartis en cercles, combien de repas nous faudrait-il pour espérer trouver toutes les configurations d’assiettes, sachant que le riz est toujours au centre (en comptant à rotation et symétrie près, cela va de soi) ?
Après le repas de midi, les élèves remontent à leur chambre pour récupérer leurs affaires : les trousses et appareils électroniques sont interdits, tout le matériel utilisable doit être placé dans un sac plastique transparent que le commissaire doit vérifier avant de permettre l’entrée de la salle. L’opération de transfert des affaires de la trousse au sac a manifestement pris à nos élèves plus de temps que prévu. Ainsi, nous quittons l’hôtel à 12h45 comme prévu (oups…nous quittons l’hôtel à 12h57, nous laissant théoriquement 3 minutes pour arriver sur le lieu de la compétition). Notre retard n’empêche pas nos français de sortir fièrement un drapeau tricolore :
Le contenu des sacs transparents laisse entrevoir la façon avec laquelle chacun gère son stress : Vladimir a manifestement décidé d’accorder une grande importance à la nourriture et met donc plus de boites de biscuits que de stylos tandis qu’Elias choisit d’amener beaucoup de stylos.
Une fois arrivés devant la salle, j’adresse mes derniers conseils et encouragements aux élèves (« rendez tous vos brouillons, faites-vous confiance, amusez-vous… »). Je regarde alors les élèves s’installer dans la salle du concours et parviens à peine à prendre quelques photos :
Pour la forme, la salle est équipée de webcams filmant les élèves en train de composer. Ainsi, les organisateurs peuvent vérifier en direct (et a posteriori en cas de litige) qu’aucun élève ne triche. J’ai pour ma part une pensée émue pour les organisateurs qui doivent se palucher les 4h30 de vidéo d’élèves quasi immobiles en train de faire des maths. En particulier, les élèves doivent aussi montrer leur badge à la caméra (et là j’ai une autre pensée émue pour les organisateurs qui ont le plaisir d’admirer les visages de nos champions montrant fièrement l’insigne preuve de leur participation à l’OIM).
Puis la première demi-heure, Vincent et moi restons à proximité pour répondre aux éventuelles questions des élèves. En effet, les 30 premières minutes, les élèves ont le droit de poser des questions sur les énoncés (évidemment, il ne s’agit pas de demander des indices mais bien de soulever d’éventuelles ambiguïtés dans l’énoncé).
A 18h, c’est la fin de l’épreuve, Vincent et moi attendons les élèves à la sortie de la salle. Les élèves en profitent pour manifester leurs impressions. A la demande de certains, nous ne révèlerons pas ici les ressentis des élèves. Je me garderai également de poster le sujet, la consigne veut que l’on attende le 23 septembre pour le diffuser.
Il était difficile d’inciter les élèves à entamer le voyage de retour vers l’hôtel étant donné qu’ils avaient déjà été transportés par les problèmes. Une fois revenus, nous décidons de nous changer les idées en essayant un nouveau jeu proposé (et largement remporté) par Aurélien : il s’agit de marchander et de cultiver des haricots pour le moins hétéroclites.
A 20h, nos ventres crient famines. Tout en continuant d’échanger (ou pas) sur les problèmes du jour, tout en spéculant (ou pas) sur les problèmes du lendemain, nous nous rendons donc au restaurant de l’hôtel dont nous ressortons à peine 40 minutes plus tard. Nous décidons qu’il est encore temps de faire un petit jeu et débutons une partie de BANG (un jeu proposé cette fois-ci par Elias) retraçant l’époque regrettée du Far-West où l’on pouvait provoquer en duel n’importe qui et sous n’importe quel prétexte. Nous sommes alors victimes d’un coup Fourré d’Aurélien qui se fait passer pour l’adjoint du shérif avant de se retourner contre ce dernier. Sur cette morale bien morose qu’on ne peut donc faire confiance à personne, nous décidons d’aller dormir pour être en forme pour le deuxième round !
Mardi 22 septembre : Puisque c’est ainsi nous reviendrons mardi
Cette journée avait un étrange goût de déjà vu : nous nous retrouvons à l’hôtel tous en forme pour attaquer le petit déjeuner à 8h30. C’était inéluctable et avoir évité le sujet de conversation la veille nous berçait de la douce illusion que nous pourrions y échapper éternellement mais la tension était trop forte. Sur une maladresse de Vladimir nous avons été contraint d’évoquer le sujet sensible : si c’est du chocolat à l’intérieur de la pâte feuilletée, est-ce un pain au chocolat ou une chocolatine ? C’est le moment de l’avalanche d’arguments classiques pour et contre : « mais un pain au chocolat c’est un pain avec du chocolat à l’intérieur » ; « tu sais comment ils appellent cette viennoiserie en Grande-Bretagne ? »… Je l’avais bien cherché, moi et ma suggestion saugrenue de prendre un croissant, de le couper en deux et d’y étaler en son intérieur de la pâte à tartiner (pas de marques…). On parvient à clore le débat sur une note plus légère (pour la santé en tout cas) de Vladimir : « de toute façon je comptait mettre des fruits dans mon croissant, et non du chocolat ».
La matinée se poursuit sur une variation de différents jeux présentés la veille. On commence par un Hanabi, un jeu coopératif dont l’objectif est de créer des feux d’artifice de toutes les couleurs. Les élèves, manifestement nostalgiques de la boucherie de la partie de Bang précédente, décident de refaire une partie, en promettant de ne pas s’acharner sur Anna (la partie d’hier soir, elle avait été éliminée avant même d’avoir pu jouer) mais comme Anna prend à nouveau le rôle de la hors-la-loi, cette promesse est brisée assez rapidement. Que de bruits et de rires dans la petite salle de jeux de l’hôtel. Qui aurait pu deviner que les élèves s’apprêtaient à composer pendant 4h30 une nouvelle fois sur des problèmes de mathématiques difficiles ?
Mais l’horloge tourne, les minutes se dérident et les élèves rêvent d’arrêter le temps. Il est bientôt l’heure de manger. Pour ce repas d’avant-match, les élèves optent majoritairement pour des pâtes (normal vu qu’il va y avoir du sport). Aurélien fait l’erreur des prendre un tartare avec un bol de sel indignement appelé « accompagnement : frites » dans le menu. C’est avec plaisir que je sacrifie ma santé pour l’aider à les finir (après tout, ça fait de mes devoirs). Yaël fait de même avec les frites de patate douce d’Anna. C’est beau l’altruisme !
Forts de notre expérience et de notre départ précipité vers la salle d’épreuve la veille, nous partons bien en avance aujourd’hui (oups, on est parti encore une fois avec pas mal de retard, nous sommes incorrigibles). Il faut dire que plusieurs élèves se sont rendus compte au dernier moment qu’ils ont oublié ceci ou même cela dans leur chambre et qu’ils doivent remonter les chercher à toute vitesse.
A 13h15 les élèves entrent dans la salle pour le round 2 et à 13h30 c’est parti ! Vincent et moi restons à l’extérieur de la salle, prêts à recevoir les éventuelles questions.
A 18h les élèves terminent cette épreuve et à 18h01, ils passent en mode vacances. Une fois de plus, plusieurs élèves expriment le souhait de garder leur ressenti pour eux et une fois de plus, je ne peux pas diffuser les sujets. Encore un peu de patience…
Nous disons au revoir à l’équipe du Maroc, dont les membres retournent à Toulouse et à Paris après l’épreuve. Eh oui car pour eux, demain, il y a école. Entre 18h et 19h30, pendant que Vincent et Martin A scannent les copies des élèves pour les envoyer aux coordinateurs, j’assume la tâche fatigante de surveiller l’équipe et de jouer avec les élèves, qui goûtent désormais à un stress bien différent de celui des deux premiers jours : le stress de l’attente des résultats. Alec et Vladimir tentent avec moi une nouvelle partie de Bohnanza (mais si, le jeu avec les haricots) et c’est l’occasion de découvrir à quel point Alec est très dur en affaire ! Pendant ce temps, Aurélien, Anna, Elias et Yaël jouent à un autre jeu de société original et d’actualité : Pandémie. Justement masqués pour l’occasion, les élèves doivent éradiquer 4 pandémies en ralliant des villes entre elles.
Vincent et Martin A viennent nous chercher et nous nous rendons tous dans un restaurant japonais où le serveur a le même humour que Vincent ! Nous y retrouvons Héloïse, une ancienne participante des Olympiades. La soirée alterne entre récits de Vincent sur les Olympiades passées et récits de Martin A sur certains médaillés Fields (j’apprends d’ailleurs que Martin A place les médaillés Fields dans divers catégories d’estimes). Ce dernier en profite pour signaler l’intérêt de savoir parler anglais quand on fait des mathématiques (et il ne visait évidemment personne…).
Nous finissons la soirée à l’hôtel où chacun fait ses valises pour repartir le lendemain…vers un autre hôtel. Yaël essaye tant bien que mal de nous faire goûter ses crêpes en dessert tout en participant à un débat animé entre Elias, Aurélien et moi sur les problèmes d’aujourd’hui.
Mercredi 23 septembre : Les fauves entrent dans l’Arène
La journée commence à 8h avec le classique petit-déjeuner pendant lequel on reprend partiellement les conversations de la veille. Au programme de la journée, une visite au laboratoire d’informatique de l’université Gustave Eiffel où travaille Vincent pour permettre aux élèves de découvrir les dessous du métier de chercheur en sciences. A cet effet, nous avons l’occasion de discuter avec deux chercheurs en informatique : Wenjie Fang et Vincent lui-même. On en apprend notamment sur le fonctionnement d’une thèse, sur le quotidien d’un enseignant-chercheur et le processus de rédaction d’un article scientifique, en insistant particulièrement sur les points communs et les différences entre l’activité de la recherche et l’activité de résolution d’un problème d’olympiade. On a aussi pu parler de problèmes d’actualités et de concepts : la notion de complexité algorithmique d’un programme, le (fameux ?) problème P=NP et on a également pu faire une digression sur un algorithme dynamique qui calcule l’effort minimal (le coût) à fournir pour pouvoir écrire un mot à partir d’un autre. Une première différence avec les maths olympiques est qu’ici, on s’intéresse majoritairement aux ordres de grandeur plutôt qu’à des coûts précis.
Nos deux chercheurs en profitent pour nous présenter une partie de leurs travaux. Vincent nous a d’abord parler des algorithmes permettant de trier une liste d’entier, un parfait exemple du processus de recherche. On commence par regarder un premier algorithme de tri (le tri fusion) ayant un certain coût dans le pire des cas. Puis, Vincent nous présente le travail de chercheurs ayant fourni un algorithme plus efficace dans le cas général (mais de même coût que le tri fusion dans le pire des cas). Enfin, on découvre l’algorithme de tri inventé par Vincent, d’un coût plus efficace que le tri fusion dans le cas général mais aussi qui à l’avantage d’avoir une preuve d’effectivité plus intéressante que les deux algorithmes précédents.
Wenjie nous a ensuite parlé de son domaine de recherche, les cartes combinatoires. Il s’agit de dessiner des graphes sur des surfaces qui ne sont pas forcément plats et en formaliser certaines propriétés.
Le temps passe si vite qu’on en oublierait presque de manger. Nous décidons unanimement de profiter du plein air, au grand dam de Vladimir dont le plat est largement convoité par deux guêpes.
Nous retournons ensuite à l’hôtel Ibis pour rejouer à une partie de BANG, cette fois-ci avec Vincent comme joueur. Malheureusement, Alec en décide autrement et s’acharne sur son propre chef d’équipe qui est éliminé de la partie au bout de deux tours… Yaël profite de ses derniers moments avec l’équipe, étant donné qu’il a un bus à 17h, en route pour de nouvelles aventures à l’université de Cambridge. Mais ce n’est pas un adieu, nous nous attendons à bientôt revoir Yaël du côté animatheur de la force, aux prochains stages.
Pendant que Vincent accompagne Yaël, j’emmène l’équipe vers l’hôtel où nous passerons le reste du séjour : l’hôtel des Arènes (voilà qui éclaire le titre du jour). Cependant, le RER B décide de ne pas arriver jusqu’à nous, nous optons donc pour un autre chemin impliquant de marcher un peu avec nos valises (courageux que nous sommes). Cette improvisation amuse fort Aurélien et Alec qui décident de faire la course dans les escalators (Aurélien à l’escalator, Alec à l’escalier). Nous arrivons à l’hôtel pratiquement en même temps que Vincent et nous avons à peine le temps de déposer nos valises qu’il est déjà temps d’aller manger.
“Il pleut un peu non ? Je devrais aller chercher mon pull peut-être ?” “Non c’est rien”. La crêperie où nous envisageons de passer la soirée n’est pas très loin de l’hôtel et pourtant, à mi-parcours, nous sommes surpris par une quantité tout à fait invraisemblable d’eau qui tombe du ciel. Cela est bien connu, la seule chose que notre équipe de Gaulois puisse craindre, c’est bien que le ciel leur tombe sur la tête. Alors chacun se réfugie comme il peut en attendant que cela passe, même si le mal est déjà fait, nous sommes trempés ! C’est donc avec soulagement que nous atteignons la crêperie et accueillons avec plaisir nos plats.
Jeudi 24 septembre : une journée à la française
Nous nous retrouvons ce matin à 8h30. C’était en tout cas la théorie, mais dans la pratique, le réveil avait été plus douloureux pour certains que pour d’autres. Nous quittons à 9h l’hôtel pour nous rendre dans un café typiquement français. Tous optent pour un petit déjeuner typiquement français sauf Alec qui, sacrilège, choisit de rajouter une omelette dans son assiette. Nous retournons à l’hôtel et faisons la connaissance de Valentin, un étudiant du Centre de Formation pour Journalistes et qui interrogeras pendant la journée certains membres de l’équipe pour un travail pratique.
Pendant que les élèves s’organisent pour jouer aux cartes, Vincent et moi commençons le travail de coordinations des copies. Il faut savoir qu’en temps normal, le deputy leader et le team leader lisent les copies des élèves et doivent les défendre devant un jury. Même si la conversation est cadrée par un barème précis qui donnent de bonnes indications pour noter la copie, la coordination est généralement l’occasion d’un petit exercice de rhétorique, de quelques conversations un peu animées et surtout de bonnes histoires à raconter sur comment tel élève a réussi à obtenir tant de points à l’aide d’un schéma dans un coin du brouillon numéro 12 (demandez à Vincent, il connaît plein de ces histoires). Ici, la coordination s’effectue en ligne. Les coordinateurs lisent toutes les copies (bon courage !) et proposent une note. Puis les leader des équipes proposent une note sur les copies de leurs élèves. Aucun des deux partis ne peut voir la note proposée par l’autre, c’est en quelques sorte une coordination en double aveugle. Si la note proposée est la même pour les coordinateurs et pour les leader, elle est validée immédiatement. Sinon, l’argumentation se fait par écrit, avec si possible la traduction de certains passages et même une discussion vidéo.
Vincent et moi choisissons de lire séparément les copies de chaque élèves puis de comparer nos ressentis avant de proposer une note aux coordinateurs. Lire les brouillons d’un élève, c’est pouvoir observer sa façon de penser. Ainsi, nous avons pu voir que certains élèves avaient un esprit bien organisés et d’autres un esprit…comment dire…plus libre ? En tout cas, on a pu sentir l’effort dépensé par les élèves pendant l’épreuve en voyant les diverses tentatives, les ratures de certaines idées, les corrections et raffinements d’autres, les schémas refaits en long et en large…
Ce travail de lecture va nous prendre la matinée, puis l’après-midi, puis la fin d’après-midi, puis le début de la soirée…
A midi, la vue depuis notre chambre nous inspire pour le déjeuner :
Nous décidons d’aller prendre un sandwich dans une boulangerie typiquement français (on prendra soin de prendre des sandwich aux noms typiquement français : le parisien, le campagnard, le cocorico…) pour aller les manger dans les Arènes. Mais le temps en décide autrement et les cordes tombantes nous forcent à manger dans un cadre bien moins chaleureux :
L’après-midi, Baptiste et Tristan, bénévoles pour la POFM et ancien participant à des Olympiades, nous rendent visite et emmènent les élèves pour un escape game. Le principe est simple : enfermés dans une pièce, les élèves doivent résoudre des énigmes pour trouver les clés qui leur permettent de sortir. Voilà qui devrait plaire aux élèves. Malheureusement, l’escape game n’accepte pas de prendre l’équipe sans réservation et c’est un échec. Mais plein de ressources, Baptiste et Tristan décident d’emmener les élèves au laser game ! Le principe est encore plus simple : tirer sur les adversaires avec un pistolet laser.
Les élèves qui comptaient prendre une douche après l’effort vont être servis ! La pluie décide de s’abattre sur l’équipe.
Le soir, nous accompagnons Anna à l’Institut Henri Poincaré récupérer la première médaille pour l’équipe française ! Il s’agit en fait de la médaille d’argent qu’elle a remporté aux European Girls’ Mathematical Olympiad et qui lui avait été envoyée, ainsi que plein d’autres produits dérivés.
Aurélien, manifestement affamé, nous presse pour aller dîner. Nous optons pour un restaurant vietnamien. Au menu, des bo bun.
La soirée se termine sur une note légère avec un munchkin, où magré tous nos efforts pour l’en empêcher, Vincent remporte la partie.
Vendredi 25 septembre : in english please !
Ce matin, le réveil est plus difficile pour les leaders que pour les élèves qui prennent le petit déjeuner sans nous. En effet, à 5h, Vincent s’est levé pour aller accompagner Anna à la gare de Lyon. Tout comme Yaël, Anna poursuit son apprentissage des mathématiques à Cambridge tout en gardant contact avec la préparation olympique.
Vers 10h, Vincent et moi recevons un message nous demandant de traduire en anglais les copies de tous les élèves ! Nous entamons donc la traduction des parties des copies qui nous semblent importantes et pour lesquelles les notes n’ont pas encore été décidées. Certaines traductions sont plus faciles à faire que d’autres…
On pourrait penser que c’est l’occasion pour Vincent et moi d’effectuer un exercice de style en anglais, mais il n’en est rien. Il s’agit plutôt de traduire mot-à-mot la pensée de l’élève. Etant donné que les élèves écrivent parfois au fil de leur pensée, cela donne par moment des phrases plutôt cocasses.
La matinée se poursuit avec une visite virtuelle et en français de la ville de St-Pétersbourg grâce à une guide sur place nous montrant avec beaucoup de détails et d’anecdotes les différents monuments.
L’après-midi, nous retrouvons Baptiste et Olivier (un autre ancien participant aux Olympiades) pour un autre laser game, où cette fois-ci Vincent et moi sommes invités ! Cela dit, notre participation ne change que modérément les scores des élèves.
La soirée se termine assez tard autour de multiples jeux : des parties de Bang où chacun décide de régler ses comptes en s’acharnant sur ses adversaires :
et une partie de “Dame de Pique” qui provoque chez Aurélien une violente envie de s’isoler.
Samedi 26 septembre : faire des maths, ça me dit !
La travail continue pour Vincent et moi ce matin, entre le petit déjeuner et les parties intenses de BANG, même s’il nous est arrivé à l’occasion de flancher et de regarder si les coordinateurs avaient répondu à nos messages sur les litiges restants. Le suspens reste entier quant aux scores de notre équipe, qui ne seront révélés que demain. L’objectif d’aujourd’hui est donc de patienter avec les élèves.
Nous décidons ainsi d’aller nous promener dans les environs.
Vincent suggère une visite du jardin des plantes, que les élèves accueillent avec enthousiasme. Nous nous engouffrons spontanément dans la ménagerie pour découvrir les nombreuses espèces abritées dans ce lieu en plein coeur de Paris. Un match s’improvise immédiatement entre Vincent, Aurélien et moi pour savoir qui produira le meilleur jeu de mots.
Nous nous retrouvons demain pour les résultats tant attendus !
Dimanche 27 septembre : le jour de gloire est arrivé
Aujourd’hui c’est le grand jour. Je ne sais pas si c’est le fastueux petit-déjeuner ou l’impatience, mais nous décidons de jeûner à midi et de visiter les Arènes vides, forts de notre tentative échouée d’il y a quelques jours.
A 14h a eu lieu la réunion du jury (composé des leaders de chaque pays et des organisateurs) pour faire le bilan de la compétition et donner les barres de médailles. Vincent et moi en sortons ravis !
Voici les résultats de la France aux Olympiades Internationales de Mathématiques 2020 :
Candidat | Problème 1 | Problème 2 | Problème 3 | Problème 4 | Problème 5 | Problème 6 | Total | Récompense |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Elias Caeiro | 2 | 1 | 0 | 4 | 7 | 0 | 14 | Mention honorable |
Yaël Dillies | 7 | 7 | 4 | 6 | 0 | 1 | 25 | Médaille d'argent |
Aurélien Fourré | 7 | 7 | 7 | 7 | 7 | 1 | 36 | Médaille d'or |
Vladimir Ivanov | 7 | 2 | 0 | 7 | 7 | 4 | 27 | Médaille d'argent |
Alec Le Helloco | 7 | 2 | 6 | 7 | 7 | 0 | 29 | Médaille d'argent |
Anna Luchnikova | 7 | 2 | 0 | 7 | 7 | 0 | 23 | Médaille de bronze |
Total | 37 | 21 | 17 | 38 | 35 | 6 | 154 | Une belle semaine 🙂 |
En particulier, Aurélien Fourré a le 4ème meilleur score de l’Olympiade !!!
Par équipe, la France finit 14ème avec un score total de 154/252, un score qui n’avait pas été atteint depuis 1994 et un classement qui n’avait été égalé qu’en 2015 sur ces 20 dernières années !
Nous félicitons tous les membres de l’équipe pour cet exploit collectif et leur exploit individuel !
Sur un ton plus léger, voici quelques moments/citations mémorables :
Aurélien : “Le correcteur orthographique de mon téléphone a manifestement appris qu’après la phrase “nous avons battu la” il faut écrire “Roumanie”.”