Comme l’an dernier, 5 élèves de la POFM sont invités à la semaine d’événements organisée par l’Académie de Norvège des Sciences et Lettres, à Oslo, à l’occasion de la remise du Prix Abel. Ce sont pour cette édition Maxime Chevalier, Pierre Akin Dürrüoglu, David Lei, Ruirong Li et Margot Sur–Cortier qui participent à cet événement, avec Aline Cahuzac au reportage illustré.
Dimanche 18 mai – rendez-vous d’aéroports
D’où peut-on venir un dimanche midi pour se retrouver à l’aéroport de Paris Orly ? Margot a passé son week-end en trajet puisqu’elle est arrivée la veille de Nancy, David interrompt ses vacances, Aline sort juste d’un train de nuit, mais tout le monde est à peu près à l’heure (placement de produit au bénéfice de la ligne 14).
Notre avion, lui, ne l’est pas tout à fait, ce qui commence par un changement de porte d’embarquement, un embarquement très lent, puis un temps interminable pour “nettoyer la soute suite à la rupture d’un flacon d’alcool sur le vol précédent”. 45 minutes plus tard, le pilote nous annonce avec assurance que nous décollons enfin pour de bon (avec une soute récurée au coton-tige certainement) pour Copenhague. Les passagers se récrient bruyamment et le pilote change d’avis, nous allons plutôt à Oslo, ce qui nous convient mieux.


Bien qu’il ait annoncé un rattrapage du retard en vol, 35 des 45 minutes de retard ont survécu quand nous atterrissons, après une petite séance de turbulo-thérapie au son délassant du bip-bip-bip d’une alarme qui a un certain sens de l’à propos. Nous retrouvons la valise de Ruirong, et Akin nous trouve rapidement au milieu du flot de passagers ; il est arrivé de Bruxelles juste avant nous. Jusqu’ici, la seule victime du trajet fut le flacon de shampoing de David qui, sur les bons conseils d’un employé de l’aéroport, a tenté de frauder la limite de volume au contrôle des bagages. Il ne s’est pas fait prendre le moins du monde, mais le contrôleur a dû trouver le shampoing à son goût puisque le flacon a été simplement kidnappé par la machine sans laisser de trace.


Notre hôtel nous accueille au bout d’un petit trajet de Flytoget (“c’est comme le RER B mais grand, propre, confortable et sans les passagers ni les 36 arrêts”) et une traversée des jardins du Palais royal. D’où le Smarthotel tire-t-il son nom ? Est-il “smart” comme la tablette (très peu patiente) de la réception ? “Smart” comme la voiture qui fait à peu près la taille de nos chambres ?



En dépit du grand Soleil de milieu d’après-midi dehors, il se fait tard et l’heure est venue d’aller chercher à dîner. La fête nationale de la veille a dû se terminer tard, puisque les rues sont absolument vides, le calme règne, de petits drapeaux norvégiens pendent et surgissent de partout, les restaurants sont soit fermés soit déserts. Nous optons en tout cas pour un banquet à emporter dans un restaurant indien bien noté (et désert). Une dame très amabilité tente de décourager Akin de prendre un plat surépicé, mais il gagne et on nous sert à boire en prévision de l’incendie, certainement. Nous allons pique-niquer au bout d’une petite jetée dans le port, face au Fjord qui évoque à la fois une mer et un lac, mais fait un très beau paysage de soleil couchant.
Lundi 19 mai – où l’on rencontre Masaki Kashiwara
Lorsque le premier rendez-vous de la journée est à 10h30, il y a trois types de personnes :
- “Chic, j’ai le temps pour travailler !”
- “Chic, j’ai le temps pour un footing !”
- “Si le petit-déjeuner ferme à 10h, c’est que l’on peut arriver à 9h59 n’est-ce pas ?”
Nous laissons le lecteur identifier quel groupe correspond à qui.
A 10h30, départ avec les équipes Hongroises et Allemandes pour la Oslo Katedralskole, où est remis le prix Holmboe. Ce monsieur fut le jeune et génial professeur du plus jeune et génial encore N. H. Abel, donc, logiquement, le prix en son nom récompense le meilleur enseignant de mathématiques de Norvège, les candidatures étant portées par les élèves et collègues. La cérémonie fait beaucoup participer les élèves du lycée, qui font l’animation, la musique… Nous y rencontrons aussi le récipiendaire du prix Abel, le japonais Masaki Kashiwara, qui remet à Margot, au nom de l’équipe, le roman Fermat’s Last Theorem.


Nous attendons ensuite un bus qui doit nous emmener au Norwegian Computing Center. Une lycéenne s’avise de sympathiser avec nous mais nous avons mutuellement un mal fou à comprendre un mot de temps à autre, ce qui crée de gros fous rires de gêne. De ce que nous comprenons : il y a beaucoup de français (3) dans sa classe, on n’aime pas les français en Norvège, souffrons-nous beaucoup de discrimination anti-français ? que voudrions-nous visiter à Oso, a-t-on la moindre idée de là où l’on va ? Ce dialogue aimablement surréaliste prend fin quand Eirik nous dirige vers le métro faute de bus escompté.





Le Norwegian Computing Center se trouve sur le campus de l’université, sous une serre qui fonctionne à plein aujourd’hui à midi, et où l’on mettrait plutôt des orangers et des palmiers que des ordinateurs. Fort heureusement, ce n’est pas un centre de calcul comme son nom pourrait l’indiquer, mais plutôt un petit centre de recherche. Un petit buffet nous attend pour déjeuner pendant que des chercheurs nous racontent leurs travaux, qui portent sur plusieurs applications des mathématiques à des problèmes assez concrets : santé, analyse d’images, exploration pétrolière géologie, diverses sujets liés à l’IA.
Il nous reste un petit temps libre avant d’aller à la cérémonie de dépôt de gerbe au Monument Abel, juste le temps d’aller voir l’Opéra et acheter des maillots de bains manquants pour la sortie baignade post-cérémonie. Les cérémonies sont ici courtes, minutées et planifiées dans les moindres détails, et celle-ci termine après trois petits discours (presque identiques à ceux de l’année dernière, la vie et l’œuvre d’Abel n’ayant pas beaucoup changé entre temps), un intermède de mini-fanfare à trois et quelques photos avec le lauréat (qui s’y prête de bonne grâce).




Puis direction la baignade. Nous prenons un chemin sous-optimisé mais qui nous permet d’admirer de près tous les bateaux du port puisque nous longeons les quais sur 3 kilomètres. La plage est miniature, surtout à coté de l’immense opéra au pied duquel elle se situe, et, petite déconvenue, elle est bondée (aujourd’hui, il y a bel et bien du monde dans les rues, et pas qu’un peu). Deuxième déconvenue, il y a un solide tapis moussu l’algues vert clair qui chatouille et masque l’escalier de pierre qui forme le fond. Troisième déconvenue, elle est bigrement froide, mes aïeux.




Qu’à cela ne tienne, Margot qui s’est baignée à Dunkerke et n’a peur de rien tente l’aventure, concluant que nous avons affaire à un cru “eau peu salée de port, calme, environ 14°C”. Nous rentrons après ce bain vivifiant, chercher de quoi remplir nos estomacs affamés : la pizzeria de l’année dernière est toujours ouverte, mais leur cuisine a déménagé de quelques mètres pour travaux et leur carte est réduite. Ceci nous rend le choix plus facile et nous repartons pour un pique-nique à notre spot hamac-mouettes-bateaux favori.



La lumière du soir a un don particulier pour s’éterniser ici, on a l’impression que la lumière se fige entre 18 et 22h, et devient propice aux interrogations philosophiques comme “Mais qu’est-ce que l’on fait ici en fait, de la figuration dans un tas de cérémonies qui ne nous concernent pas ?” Il y a deux réponses à cette question : la première est trop longue pour ce soir, la deuxième est : révisez de nœud de cravate et cirez vos chaussures parce que l’on rencontre de la royauté demain.