Cette année, la France participe de nouveau à l’Olympiade Balkanique Junior de Mathématiques (JBMO), à Antalya en Turquie. L’équipe est composée de Mattéo Argentin, Hadrien Faucheu, Itza Hervé–Arrouays, Sahaj Rajvanshi, Marin Renaudineau et Benjamin Zheng; et encadrée par Vincent Jugé (chef de délégation) et Henry Bambury (chef de délégation adjoint). Du 25 au 30 juin 2024, suivez avec nous le déroulement de la compétition.
Mardi 25 juin — Ça commence déjà très fort !
Réveil matinal pour nos six jeunes (le Junior dans le nom de la compétition fait référence au fait que les élèves doivent avoir moins de 15 ans et demi le jour de l’épreuve), et pour leurs deux encadrants. Rendez-vous à 8h00 pour tester la nouvelle branche du métro 14 qui relie directement Paris centre à Orly, et ce depuis la veille de notre départ. En plus elle passe par la station Olympiades, c’est sûrement un bon présage pour la suite de la compétition…
Nos élèves surmotivés étant aussi organisés, tout le monde est en avance au point de rendez-vous, et nous passons ensuite avec brio les contrôles à l’aéroport. C’est donc l’heure de la traditionnelle photo pré-embarquement.
L’occasion pour moi de présenter l’équipe ! En omettant les encadrants qui les encadrent à gauche (Vincent) et à droite (Henry), nous avons des quatres coins de la France et de gauche à droite Marin (troisième), Itza (seconde), Hadrien (seconde), Mattéo (seconde), Benjamin (troisième) et Sahaj (troisième). Une équipe relativement expérimentée avec Benjamin qui a déjà remporté une médaille à la JBMO l’an dernier, et une très belle performance de Mattéo, Hadrien, Itza, Marin et Benjamin à l’OFM plus tôt dans l’année. Une première participation aussi pour Sahaj !
En route donc ! Nous atterrissons à 15h40 (heure de Turquie : une heure et dix degrés Celsius de décalage), et arrivons devant un magnifique stand malheureusement vide… Mais où nous attend-on ?
Heureusement des gens très aimables et avec de très gros appareils photo finissent par arriver pour nous accueillir. Notre marche vers le minibus de l’équipe de France est filmée, un peu comme celle de nos homologues footballeurs qui s’apprêtent à jouer la Pologne à l’Euro.
Après avec factorisé quelques nombres et joué quelques parties d’échecs dans le bus, nous arrivons enfin au QG de la compétition : un hôtel avec plus d’étoiles, de piscines et de restaurants qu’anticipé. Comme le veulent les règles, Vincent nous quitte et rejoint son propre hôtel (il va participer à la réunion de sélection des problèmes de la compétition, et sera donc interdit de communiquer avec nous jusqu’au jour de l’épreuve : jeudi).
Après avoir été couverts de cadeaux en tous genres (sacs, T-shirts, crayons,… “Mais comment est-ce que ça va rentrer dans ma valise au retour??” – l’inquiétude est partagée par plusieurs membres de l’équipe), nous faisons un petit tour à la plage et profitons du diner qui consiste en un buffet colossal. Mon conseil : profitez, mais ne tombez pas malade dès le premier jour.
Programme de la fin de soirée : foot puis (douche) et jeux de société. Le match de l’équipe de France (de foot) contre la Pologne n’est pas à la hauteur de nos attentes, notre équipe à nous (de maths) préfère fuir le commentateur de la télévision turque qui ne s’arrête pas de crier très fort les noms de nos joueurs pour défier sur le terrain de l’hôtel des jeunes Kazakhs, Kirghiz, et Turcs qui y jouaient déjà. Si Thierry Henry n’a pas appelé Mattéo et Itza dans l’équipe de France aux Jeux Olympiques pour laisser une chance à des joueurs moins connus, ils auront quand même bientôt du temps de jeu : l’équipe turque (de maths) nous défie à un match (de foot) après la compétition (de maths). (Ouf !)
Après une première journée bien remplie et pleine de (bonnes) surprises, l’équipe se prépare à la journée de demain qui (j’anticipe) devrait déjà pouvoir se résumer aux deux expressions suivantes : cérémonie d’ouverture et crème solaire.
Mercredi 26 juin — Le calme avant la tempête (la tempête avant le calme ?)
Aujourd’hui, veille de compétition. Après un petit-déjeuner qui aurait pu être copieux si nos élèves n’étaient pas si raisonnables, une partie de l’équipe découvre le jeu Rummikub en attendant le transfert vers le lieu de la cérémonie d’ouverture, prévue pour 11h. Avec une demie heure prévue pour ce transfert, nous nous attendions à un long trajet en bus, mais quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que la salle de la cérémonie nous attendait simplement au bout d’un long couloir de l’hôtel qui pouvait être traversé en seulement deux minutes. Il semblerait que la compétition ait aussi lieu au même endroit demain matin : nous ne sommes donc pas prêts de sortir de cet hôtel. Quel dommage.
Les plus fins observateurs auront remarqué deux choses sur cette dernière photo : l’équipe débarque à la cérémonie d’ouverture 1) avec de jolis polos bleus fournis par notre sponsor, et 2) avec… une balle de foot?? En effet, jaloux des belles mascottes des équipes croates et turques, les élèves ont décidé de prendre le ballon d’Hadrien comme mascotte à la place d’une peluche pingouin ou loup toute mignonne. On sent la différence de mentalité.
Avant de commencer la cérémonie, la nouvelle mascotte devient vite le centre de l’attention chez nos amis internationaux (tout en devenant en même temps une pièce centrale d’une œuvre d’art moderne éphémère). En effet nos tricolores sont vite submergés par des demandes de la part des autres participants, et devant l’impossibilité d’organiser des parties contre autant d’équipes dans un temps aussi court, ils sont donc contraints de proposer un tournoi de foot inter-équipes après l’épreuve. Affaire à suivre.
Les élèves suivent ensuite plus ou moins assidument la cérémonie qui contenait en vrac des danses traditionnelles turques, des discours de représentants de l’organisme en charge de l’organisation, des présentations des équipes des 22 pays participants cette année, un animateur qui demandait un peu trop à être applaudi, Vincent, et de très grosses caméras.
Avec un concert surprise pour clôturer l’ouverture, l’ambiance est à son apogée : alors que tous nos guides dansent déjà depuis le début de la chanson, une proportion non négligeable des équipes s’y met aussi. Une grande réussite pour les organisateurs : faire danser un groupe de mathématiciens, c’est généralement aussi dur que ça en a l’air.
La cérémonie est l’occasion de sympathiser avec d’autres équipes, notamment l’équipe de Géorgie, avec laquelle notre équipe a partagé le déjeuner. Ces deux équipes se retrouveront plus tard dans l’après-midi pour s’affronter au sport, exercice duquel notre équipe sortira victorieuse à quelque points près : à la fois au foot et au foot-tennis. Nous ne parlerons pas du match suivant non moins physique contre des russes moins jeunes et moins légers qui souhaitaient affronter le vainqueur.
Après une causerie d’équipe un peu plus sérieuse pour remotiver les troupes et se remettre en tête des objectifs et détails techniques avant l’épreuve de demain, les élèves passent le reste de l’après-midi à se détendre en profitant du cadre idéal offert par l’hôtel.
Mission réussie, après une dernière partie de Gobbit, nos compétiteurs sont bien fatigués et retournent dans leurs chambres aux alentours de 20h30, histoire d’avoir le temps de se mettre au lit tranquillement pour une nuit de repos très importante (et bien méritée). La compétition commencera demain à 9h pile.
Jeudi 27 juin — Les problèmes arrivent
Les élèves se réveillent de bon matin, petit-déjeunent, écoutent quelques consignes (numérotez vos feuilles, les rapporteurs et gourdes en métal sont interdits, pour aller au toilettes pendant l’épreuve levez votre pancarte “toilettes”, pour avoir à manger pendant l’épreuve levez votre pancarte “manger”, et autres instructions passionnantes du même acabit) et se dirigent vers la salle de la compétition. Ils sont chaud bouillants, sauf Hadrien et Itza qui se plaignent vite (et à raison) de la climatisation trop forte dans la salle. Les élèves ont chacun des dossiers multicolores (pour ranger les copies par problème à la fin de l’épreuve) ainsi que des gâteaux et bonbons turcs (tout aussi multicolores, mais visiblement moins bons que les madeleines apportées de France pour l’occasion) pour se sustenter pendant les 4h30 de concours.
Personne n’a l’air stressé en attendant le début de l’épreuve, tout le monde est parfaitement calme et patiente avec le sourire. Dans l’arrière plan, les autres équipes se dirigent vers la salle pour s’installer.
La salle est très grande et les Français y sont dispersés. Je n’ai pas le droit d’entrer mais Mattéo est proche de la sortie et a donc le droit à une petite photo (excusez la qualité médiocre de certaines des photos, nous attendons les photos de l’appareil de Vincent).
La compétition est lancée, les élèves découvrent les problèmes, dans l’ordre : une inégalité, un problème de géométrie, une équation diophantienne, et un problème de théorie des jeux. Un joli mélange, mais rien qui devrait déboussoler nos jeunes qui se sont bien préparés. Pendant qu’ils planchent, je rejoins les chefs d’équipes des autres pays et retrouve par la même occasion Vincent, avec qui nous avons de nouveau le droit d’interagir.
En sortant, toute l’équipe affirme avoir résolu au moins un problème. Rien n’est encore sûr et il est mauvais de trop pronostiquer, mais c’est déjà une bonne nouvelle ! Après l’effort, le réconfort : bains turcs, jeux, et sieste pour certains, le terrain de foot étant trop plein de monde aujourd’hui. Vincent fait ses retrouvailles avec le reste de l’équipe : il a été transféré dans le même hôtel que nous, ce qui risque de sensiblement améliorer la qualité de son sommeil.
Nous nous retrouvons plus tard à l’heure du dîner, cette fois ci dehors, avec une jolie vue.
Surprise pour la fin du repas : nous rencontrons un magicien-glacier très talentueux qui arnaque tous les enfants qui lui demandent une glace en enchaînant feintes et tours de passe-passe avant de combler des minutes de frustration accumulées en leur tendant enfin la tant convoitée glace. Tu crois enfin être servi et puis ça recommence.
L’astuce : la glace est particulièrement collante, ce qui permet au magicien de la manipuler plus facilement. En revanche le goût n’est pas tout à fait à la hauteur de sa performance…
Demain aura lieu la coordination : les chefs et adjoints de chaque équipe vont passer en revue toutes les copies de leurs élèves, brouillons inclus, afin d’attribuer des notes de la façon la plus juste et équitable possible. Pendant ce temps, nos six champions sortiront (enfin) de l’hôtel pour participer à diverses activités culturelles.
Vendredi 28 juin — Place aux résultats…
Les élèves ont visiblement très bien dormi la nuit dernière, en tout cas ils ont bien sympathisé avec l’équipe de Croatie.
Grand programme pour les élèves qui pendant que leurs encadrants discutent des notes avec les coordinateurs prennent eux un car qui les emmène en ville. Ils visitent l’aquarium d’Antalya (qui contient le plus grand aquarium-tunnel du monde), ainsi que le très fameux musée de la voiture.
Les coordinations se terminent de notre côté, nous retrouvons l’équipe pendant un court instant à la piscine avant la réunion finale du jury, à l’issue de laquelle nous pouvons fièrement annoncer les résultats français :
Nom | Problème 1 | Problème 2 | Problème 3 | Problème 4 | Total | Résultat |
---|---|---|---|---|---|---|
Mattéo Argentin | 1 | 10 | 10 | 2 | 23 | Médaille d’argent |
Hadrien Faucheu | 10 | 10 | 9 | 3 | 32 | Médaille d’or |
Itza Hervé–Arrouays | 10 | 10 | 10 | 0 | 30 | Médaille d’argent |
Sahaj Rajvanshi | 10 | 4 | 1 | 0 | 15 | Médaille de bronze |
Marin Renaudineau | 10 | 10 | 2 | 0 | 22 | Médaille d’argent |
Benjamin Zheng | 2 | 5 | 10 | 0 | 17 | Médaille de bronze |
Comme l’année dernière, c’est une performance excellente ! Contrairement à la plupart des autres équipes, les totaux des trois premiers problèmes sont assez homogènes. La France obtient aussi l’un des meilleurs résultats sur le dernier problème (qui était vraiment vraiment très très très difficile et n’a été résolu entièrement par aucun élève). Enfin, pour la deuxième année consécutive, tous les élèves repartiront chez eux avec une médaille.
Nous concluons la journée entre le terrain de foot et le terrain d’échecs, et allons tous nous reposer avant la cérémonie de clôture qui aura lieu le lendemain.
Samedi 29 juin — Remise des prix !
Gros programme aujourd’hui : les élèves se réveillent (ou plutôt nous nous occupons de réveiller ceux qui dorment encore une demi heure après l’heure de rendez-vous prévue par notre guide), et nous prenons un bus direction l’université pour la remise des médailles par de hautes autorités : la présidente de l’université et le président du conseil de la recherche scientifique et technologique de Turquie.
Les élèves sont dans leur élément car la musique d’attente avant le début de la cérémonie n’est rien d’autre qu’une version remixée de la chanson française Angela de Hatik… Vient ensuite la cérémonie qui commence avec un spectacle de danses traditionelles, où les danseurs imitent des rapaces (heureusement nous avons apporté des boules quies). S’ensuit un discours des différentes entités organisatrices, félicitant les jeunes et encourageant les participants à continuer à s’attaquer avec passion à des problèmes extrèmement difficiles, puisque c’est de cela que la planète à besoin.
Après les discours, les élèves sont appelés sur scène dans un ordre intéressant : d’abord par ordre croissant de médaille reçue (bronze, argent, or) puis par ordre décroissant des scores, et enfin par ordre alphabétique des pays. Nos six élèves portent tous le drapeau au moment de se faire remettre leur médaille.
La France termine 8e sur 23 équipes : Hadrien réalise le 4e meilleur score tous pays confondus !
Nous enchaînons directement avec un long trajet en bus pour rejoindre un bateau qui nous emmène pour quelques heures de croisière sous le soleil brûlant de la côte sud. Le cadre est idéal sur papier, mais la musique très forte et la longueur de l’aller-retour en bus fait regretter la piscine de l’hôtel à toute l’équipe. Mais on s’occupe comme on peut en jouant au set, au quart de singe, et en faisant découvrir la musique française aux autres équipes.
De retour à l’hôtel, une partie des élèves part se baigner, puis tous apprennent qu’ils vont devoir se lever à 4h30 le lendemain pour être sûr d’arriver à l’heure à l’aéroport.
En fin de soirée, nous rejoignons les autres équipes pour le dinner de clôture : soupe, salade, viande, viande, viande, viande, poisson, baklavas, glace, mais surtout : problèmes de maths en arabe et fous rires partagés.
C’est l’heure de faire nos adieux et nos valises, et de régler nos réveils pour être sûrs de se réveiller à temps.
Dimanche 30 juin — Le retour : vers de nouveaux horizons !
Surprise : tout le monde est debout à l’heure (à 4h30, ce qui fait 3h30 en France) ! Notre minibus nous accompagne à l’aéroport et c’est sans soucis que nous finissons par embarquer à l’heure. La sièste dans l’avion est bien méritée.
Fatigués mais très contents de notre semaine, nous déposons les élèves qui rentrent chez eux. Programme de demain pour eux : brevet des collèges pour une moitié, et stage de maths pour quelques autres, on n’est jamais assez entraîné…