Du 26 février au 2 mars se déroule la 15ème édition du Romanian Master of Mathematics, à Bucharest.
Cette année, l’équipe de France est constituée de Serge Bidallier, Anatole Bouton, Akin Dürrüoglu, Oscar Fischler, Solal Pivron-Djeddi et d’Auguste Ramondou. L’équipe est encadrée par Aurélien Fourré (chef d’équipe adjoint) et Martin Rakovsky (chef d’équipe).
Le site officiel de la compétition se trouve ici.
Performance exceptionnelle pour la France, qui finit 5ème de la compétition, et ramène au pays une médaille d’or, quatre médailles de bronze et une mention honorable, “ça, c’est un record !”.
Lundi 26 Février : S’adapter à son nouvel environnement
C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je rédige ces premières lignes, signant le début de la première compétition internationale de l’année. Notre histoire commence à la gare de Châtelet, à 6h40 pour certains (conformément à l’heure du rendez-vous) et à 6h50 pour moi (hin… rire gêné).
Toute l’équipe sauf Akin, qui nous rejoindra à l’aéroport, me retrouve dans le RER B et malgré l’heure matinale, les élèves sont d’une humeur joviale. Auguste et Aurélien discutent de géométrie (“comment tracer sur geogebra une conique passant par 3 points donnés et tangente à une droite donnée ?”) tandis que Serge, Oscar et Anatole me récitent de la poésie allemande composée par leurs soins (et comme ce ne sont pas mes enfants, je ne suis pas obligé de faire semblant d’avoir trouvé ça aussi brillant que du Racine). Solal quant à lui me parle de cet exercice d’APMO (Asian Pacific Math Olympiad, vous ne connaissez pas ?) qui ressemblait vachement à cet autre exercice d’une autre compétition…
On retrouve Akin à l’aéroport, on entame les passages obligés des aéroports…mais au moment de l’inspection des bagages, le personnel de sécurité découvre une petite surprise dans les bagages à main d’Anatole et d’Auguste. Auguste doit dire adieu à son opinel (“je n’ai jamais mis ça dans mon sac en plus” me dit-il, à voix basse) et Anatole à son couteau suisse, dont le seul souvenir qu’il gardera est le porte-clé qu’il y avait accroché.
On arrive, à peine en retard, devant la porte d’embarquement. Serge sort alors du gâteau pour fêter l’anniversaire d’Oscar (Bon anniversaire Oscar !!) et j’en profite pour faire la première photo d’équipe.
Puisque ma compagnie, je crois, est au complet, je peux vous la présenter désormais. Une fois n’est pas coutume, je fais ça de droite à gauche :
-Il ne s’appelle pas César, mais l’avoir avec nous est une récompense, voiciiiii Oscar ! Egalement féru d’échec et d’informatique, il me faudrait plus d’une main pour compter le nombre de compétitions et de médailles qu’il a déjà remportées.
– Il ne s’appelle pas César non plus, mais tout chez lui est impérial, voiciiiii Auguste ! Déjà participant du RMM l’année dernière, Auguste a notamment remporté une médaille de bronze aux dernières Olympiades Internationales.
-Sur sa gauche, notre chef d’équipe adjoint. Si la France a obtenu une médaille d’or au RMM en 2021, il n’y est pas pour rien, j’ai nomméééé Aurélien !
-C’est la force tranquille de cette équipe, j’ai nommééé Serge ! Il a notamment obtenu une médaille de bronze à la dernière Olympiade Internationale.
-C’est la force la moins tranquille de cette équipe, voiciii Anatole ! Il y a deux ans déjà, Anatole remportait une médaille d’argent aux Olympiades Internationales pour la France.
-Sur sa gauche, grâce à lui la Belgique a un représentant au RMM, puisqu’il est binational, voiciii Akin ! Sous les couleurs françaises, il a notamment obtenu une médaille d’or à la Junior Balkan Olympiad 2023.
-Et enfin, tout à gauche sur la photo, quand internet ne connait pas un théorème de mathématiques, c’est à lui qu’internet demande, je vous préseeeente Solal. Il a notamment remporté une médaille d’argent à la JBMO l’an dernier.
Quant à moi, je peux vous dire que Horace Slughorn (vous savez, le maître des potions dans Harry Potter et le Prince de Sang-mêlé) n’a pas autant de fierté pour ses anciens étudiants que je n’ai d’admiration pour l’équipe que je viens de vous présenter.
L’embarquement prend du retard et par un concours de circonstances malencontreuses, Aurélien et moi nous retrouvons séparés des élèves pendant près de 45 minutes (eux dans l’avion, nous à attendre le bus à la porte d’embarquement). Les élèves étaient complètement terrorisés (ils en ont surtout profité pour choisir leur place dans l’avion) et nous étions très inquiets (on était ra-vi).
Un peu isolé du reste de l’équipe, je fais la conversation avec un couple français qui était curieux de savoir qui étaient ces 6 adolescents qui parlaient de conique, d’ensembles, de nombres premiers…
Dans l’avion, les élèves vétérans remarquent que le site n’indique pas le même hôtel que les années précédentes, et que l’hôtel où nous logerons a l’air sensationnel.
Vers 15h30, on décide de sortir se dégourdir les jambes et surtout d’aller manger !
On ne peut s’empêcher de faire la conversion en voyant les prix des sandwichs (et c’est simple, c’est le même prix qu’en France mais pas pour la même monnaie, autrement dit c’est cinq fois moins cher). Une fois nos achats effectués, on décide de se poser dans un parc.
Une partie de Code Names plus tard, il est déjà temps de se rendre au restaurant qui se trouve dans un autre hôtel. Nous nous laissons guidés par deux élèves du lycée Tudor Vianu (lycée dans lequel auront lieu les épreuves), et l’on évite de peu un incident diplomatique au moment où les guides demandent “Do you like Bucharest ?”, qu’Auguste traduit à Serge par “As-tu déjà été à Bucharest ?”, question à laquelle Serge répond un vigoureux non de la tête, qui aurait vexé nos guide sans notre oreille attentive. Ce qui est sûr, c’est que je ne choisirais pas Auguste comme traducteur au prochain sommet du G20.
Cette histoire est vite oubliée puisqu’une fois arrivés à l’hôtel, les élèves sont ravis de la nourriture qui leur est servie, d’une qualité bien supérieure à ce qu’ils avaient eu l’an dernier ou de ce qu’ils avaient entendu dans les légendes. Aurélien et moi dinons de notre côté avec les leader bulgares, américains et serbes. L’occasion de retrouver le leader bulgare préféré de Baptiste et de Rémi, légendaire pour ses ronflements (“I’ve been practicing to be even louder this year” qu’il me dit). Je vous invite à lire les comptes-rendus de la dernière BMO pour comprendre. Cela a été l’occasion d’échanger sur les différentes préparations olympiques autour d’un grand festin. L’occasion également pour Aurélien de se transformer en apprenti photographe.
La soirée finit sur un jeu avec l’équipe d’Israël du côté des élèves, et avec la lecture des problèmes de la compétition pour les leaders. RDV demain pour la cérémonie d’ouverture !
Mardi 27 Février : Cérémonie d’ouverture
Ne nous mentons pas, le réveil a été particulièrement ardu pour Aurélien et moi. Vers 7h45, on retrouve les élèves au petit-déjeuner buffet de l’hôtel. C’est royal : du sucré, du salé, du caféiné, un magnifique toaster qui subjugue Anatole, un jus d’orange qui, au goût, a sûrement nécessité une dizaine d’orange pour obtenir l’équivalent d’un verre de jus, des distributeurs de miel, caramel, chocolat (que j’ai secoué vigoureusement pour tenter d’en extraire une larme)… bref un véritable bonheur :
Aurélien et moi nous dépêchons de nous rendre à la première réunion du jury pour discuter des sujets des épreuves, mais sur le chemin nous sommes rattrapés par Auguste et Anatole qui viennent me demander s’ils peuvent aller acheter un ballon de foot. Apparemment, ils ont repéré sur google maps un magasin de sport pas loin de l’hôtel susceptible de vendre un objet si singulier. Cette première quête de la journée s’est malheureusement soldée par un échec, comme en atteste la photo suivante :
Bredouille, ou broucouille comme on dit dans le bouchonnois, les élèves se remobilisent et transforment alors cette aventure ex-ci-tante en promenade, rien ne peut entamer l’enthousiasme de cette équipe :
La promenade se prolonge vers ce que les élèves pensaient être un parc mais qui se trouve être une propriété privée (décidément c’est pas de chance aujourd’hui). Vers 11h, les élèves se dirigent vers le lycée Tudor Vianu en vue de la cérémonie d’ouverture. Aurélien et moi les retrouvons sur place à la fin de notre réunion de jury. Auguste en profite pour nous signaler que, d’après les guides, l’équipe de France était significativement plus sympathique que l’équipe qu’elles avaient accompagnées au RMM de l’an dernier. Un point pour la France ! On n’est peut-être pas les plus forts, mais on est les plus sympas.
Place à la cérémonie. Celle-ci commence par un discours de l’une des organisatrice de la compétition qui nous explique que la cérémonie sera “dynamique”, ce qui est une bonne chose puisqu’on le sait, les cérémonies d’ouverture ont tendance à traîner en longueur. Le prochain speaker se trouve être Dan Carmon, le chef d’équipe d’Israël, à titre de “cela fait plusieurs fois qu’il participe au RMM”. Son discours, très émouvant, a duré 27 secondes, le temps de prononcer une poignée de phrases incluant les classiques “vous êtes tous de brillants étudiants” et “les problèmes sont très jolis”. On aurait du faire un bingo pour cette cérémonie. Radu Gologan, président du comité d’organisation, lui succède pour nous raconter l’histoire de ce petit garçon né dans les années 60 qui avaient découvert les maths olympiques et avait continué sa carrière en mathématiques tout en gardant un lien étroit avec les olympiades avant de nous dire que ce garçon, c’était lui. Donc le bonhomme a, au sens littéral, raconté sa vie à nous, son public captif (mais pas captivé). Le co-président a ensuite essayé d’être original : “mon discours de l’an dernier était ennuyeux. Celui-ci sera stupide, mais je pense qu’on y gagne change”. Il nous a parlé des nombres triangulaires, des nombres hexagonaux, des nombres chanceux (mais personne n’a compris ce que c’était), et nous a dit qu’un nombre qui avait ces trois caractéristiques était 15. “C’est quoi fifteen ? Et non je ne parle pas de la chanson de Taylor Swift !” (ce co-président vient immédiatement de gagner ma sympathie pour cette blague). 15, c’est comme la 15ème édition du RMM. “Si 15 est chanceux, bonne chance à tous les participants !”. Ce parachutage était de haut voltige.
Le lycée nous a ensuite proposé une performance de danse et de chanson par les élèves du lycée. Et là, petit blind test. Une première soliste, accompagnée de trois danseuses au ruban, manifestement très stressée (un micro qui fonctionne très mal, des larsens, se tromper dès le début dans les paroles et le trac n’ont pas du aider) nous chante “A million dreams” de la comédie musicale “The Greatest Showman”. Quatre nouvelles chanteuses nous interprètent ce que je crois être une chanson qui viendrait de Lala Land (?), mais petit malaise quand l’une des danseuses oublie de revenir sur scène pour le dernier tableau. En troisième performance, une autre soliste nous interprète “there are worst things to do” qui vient cette fois-ci de Grease. On conclut avec “Mamma Mia” d’ABBA, où la chanteuse est rejointe par le battement des mains du public et un groupe de 7 danseuses parfaitement coordonnées.
Et enfin, le moment du défilé des équipes. Il y a toujours quelques gags : la Hongrie, dépourvue de drapeau, a emprunté le drapeau de l’Italie et l’a tourné de 90 degrés pour faire illusion, l’étendue des tailles des élèves de l’équipe de Serbie était particulièrement grande, la Roumanie B a tenu son drapeau dans le mauvais sens… mais bref, trève de bavardages, je vous présente l’équipe de France !
L’après-midi, les élèves participent à un estimaton. Il s’agit de deviner l’ordre de grandeur de certaines quantités : combien d’étoiles dans la Voie Lactée, quelle quantité d’or a été minée dans le monde, combien de billets ont été vendus pour les JO… Notre équipe s’en sort pas si mal puisqu’elle est deuxième ! Un deuxième point pour la France ! On n’est peut être pas les plus forts, mais on sait estimer des trucs.
Une fois qu’Aurélien et moi finissons la traduction des problèmes, nous rejoignons les élèves dans la salle de jeu, pour une partie de Poker. Ma conclusion est que je recommande aux élèves de se tenir loin des casinos.
L’entreprise organisatrice de l’estimaton, JaneStreet, a également mis à disposition un ma-gni-fique buffet :
Pour la soirée, les guides nous emmènent faire un tour de la ville et admirer le palais sénatorial, le deuxième plus grand bâtiment du monde :
Sur le chemin, Anatole trahit Akin, trop occupé à faire connaissance avec nos guides, et rejoint Auguste et Solal pour former un nouveau trio d’inséparables pour la vie :
Nous sommes de retour à l’hôtel vers 21h. Chacun prépare ses affaires pour le lendemain et se couche tôt. Demain 9h commence la première épreuve !
Mercredi 28 Février : Première matinée d’épreuve
Nouveau réveil difficile pour Aurélien et moi à 7h15. Mais ça n’est pas grave, car les élèves eux, ont bien dormi, et c’est bien ce qui compte. On les regarde dévorer leur petit-déjeuner, Auguste a même emporté ses propres Chocapics (ceux de l’hôtel ne sont pas bons m’a-t-il dit). Sur le chemin, Aurélien et moi rappelons les derniers conseils relatifs à l’épreuve.
Et quelle épreuve d’ailleurs ! Le RMM est aux Olympiades Internationales ce que l’octogone sans règles est au judo. Il ne faut donc pas y placer trop chercher à y lire des tendances, à y faire des prédictions… et se concentrer sur l’épreuve et les preuves.
On installe les élèves, dispatchés dans 4 salles :
L’épreuve commence. Au programme : de la combinatoire, de la combinatoire et, pour faire bonne mesure, de la combinatoire.
Pendant que les élèves planchent sur les problèmes somme toute assez difficiles, Aurélien et moi retrouvons le jury. La première demi-heure, il s’agit de répondre aux éventuelles questions des élèves (les élèves sont autorisés à poser une question de clarification d’énoncé, seulement pendant la première demi-heure d’épreuve. Le jury décide alors de la réponse à donner (par écrit)). Après cela, on finalise les barèmes qui seront utilisés pour la coordination des problèmes.
Vers 11h, les encadrants sont emmenés au musée du paysan, musée qui retrace les coutumes et le mode de vie des premiers paysans roumains. Après avoir visité la première salle, je suis un peu sceptique devant le rapport “taille de la pièce”/”nombre d’objets présentés”, mais je suis bientôt rassuré par la salle dédiée aux maisons roumaines, tout en bois (avec ses avantages et ses inconvénients les jours de pluie) :
Après cela, les guides nous emmènent dans un marché pour honorer une tradition roumaine : le premier Mars, pour célébrer le retour du printemps, il est d’usage d’offrir un petit item symbolique aux personnes auxquelles on tient. Aurélien et moi en profitons pour faire quelques achats et écouter une guide roumaine nous racontant sa mauvaise expérience de l’équipe de France de l’an dernier : apparemment, elle aurait été vexée par une blague d’un des encadrants. Il est grand, cheveux cours bruns, rasé, porte des lunettes et quand il s’agit d’humour, il a tendance à enfoncer toutes les portes ouvertes. Si vous apercevez cet individu, tenez-vous à distance, ne tentez pas d’intervenir par vous même, contactez le 06 21 36 32 40 (saurez-vous trouver à quoi font référence ces numéros ? la réponse en fin de semaine). Les autorités compétentes sauront quoi faire.
On se rend ensuite à une exposition d’art moderne dont voici quelques oeuvres :
Nous retrouvons finalement les élèves vers 13h30. Sans forcément qu’ils soient tous satisfaits de ce qu’ils ont fait, ils sont soulagés que le premier jour soit terminé. Pour préserver leur intimité, je ne vous donnerai pas ici le détail de leur trouvaille (c’est beaucoup plus drôle de raconter de façon intrusive leurs moindre faits et gestes du reste de la journée et de vous montrer des photos de leurs productions).
L’après-midi, Navid, chef du comité de sélection des problèmes, et Stanislav, chef d’équipe de la Bulgarie, nous proposent à Aurélien et moi de faire une petite (grande) promenade jusqu’au palais sénatorial. L’occasion d’échanger énormément d’anecdotes sur les compétitions avec ces deux vétérans des Olympiades. Moi qui pensais être une encyclopédie sur le sujet, il faut bien admettre que j’ai trouvé mes maîtres.
Au moment de s’arrêter prendre un chocolat, le chef d’équipe Bulgare nous sort la punchline de la journée : “do you know what is a coffee in Bulgaria ? It is a beer with four typos”. Mais rassurez-vous, Aurélien et moi préférons la sobriété.
Du côté des élèves maintenant : c’est un récit confus, méli-mélo des versions de chaque élève, que je vous livre ici. Parfois le récit n’a pas de sens, mais peut-être parce que l’histoire elle-même en est dépourvue ?
Tout a commencé par une n-ième tentative pour trouver un ballon de foot, soldée cette fois-ci par un succès :
Après cette quête digne de la quête du Frodon vers le Mordor, les élèves se dirigent vers le lycée Tudor Vianu pour utiliser leur terrain de foot. Mais d’abord ils se demandent looooongtemps s’ils doivent retourner ou pas à l’hôtel poser leurs affaires. On dirait un peu un débat des Ents dans “Les deux Tours” (ouais désolé, aujourd’hui faut avoir vu le Seigneur des Anneaux pour comprendre les blagues) : chaque élève prend la parole pour beaucoup parler mais il ne peut le faire que pour dire des choses qui prendraient looongtemps à discuter. C’est seulement après avoir cherché un parc (qui était encore une propriété privée finalement, décidément…) qu’ils conviennent de se rendre au lycée. Alors à ce moment du récit, Akin m’a demandé d’écrire explicitement qu’il va bien. Akin va bien. Mais le plaisir de se dépenser leur fait oublier l’heure et à 18h, en voulant sortir du lycée, ils tombent sur une porte fermée. Les voilà pris au piège !
Tout d’abord, ils tentent de passer en dessous du grillage Il y a largement la place, mais leurs pulls les gênent. L’adrénaline du goot les inspirent probablement des airs d’aventurier et, tels des filous, ils décident de passer leurs pulls par-dessus le grillage. Mais le karma les rattrape et le pull d’Akin reste coincé sur le grillage (et le pull d’un autre élève est coincé plus haut, mais on n’a pas voulu me dire qui c’est)
Finalement, un gardien leur apparaît dans cette pénombre. Un gardien, c’est effrayant, comme la perspective de rencontrer le magicien blanc pour Gimli, Legolas et Aragorn au début des Deux Tours. Mais ce gardien s’avère être une vraie crème, comme le magicien blanc des Deux Tours. Sa bienveillance éclatante, et sa francophilie passionnée permettent aux élèves de finalement sortir du lycée, avec leur pull de surcroit, et nous les retrouvons pour le dîner. On me dit que le fait que Serge parle russe avec lui a beaucoup aidé. (je vous avais dit c’est un sac de nœud cette histoire).
Une dernière petite aventure se produit lors du dîner, puisqu’Anatole confond un piment avec un cornichon et devient instantanément tout rouge, nous donnant une très belle imitation de Christian Clavier dans les bronzés. Le soir, les élèves se couchent de bonne heure (ils ont fait ça longtemps), mais pour Aurélien et moi c’est le début d’une longue bataille pour lire et comprendre les copies, bataille qui nous emmènera jusqu’à 1h30 du matin. Sans vous partager la teneur des copies, je peux tout de même vous partager quelques petites perles rencontrées dans la copie d’Auguste. C’est un petit peu comme s’il essayait de rentrer en contact avec nous finalement… :
Jeudi 29 Février : Deuxième matinée d’épreuve
Aujourd’hui, c’est un évènement aussi fréquent que les JO : c’est la St-Auguste ! Les élèves connaissent désormais la procédure : on quitte l’hôtel à 7h50 (8h…) pour aller sur le lieu de l’épreuve et pour s’installer.
Devant la salle, les élèves demandent un petit pep talk pour se remobiliser pour le jour 2. Je vous en épargne le contenu.
Une fois installés, je m’apprête à quitter les élèves mais, insatisfaits de mes commentaires sur leur photo dans la salle la veille, certains d’entre eux ont demandé à en refaire une.
Avouons que la nourriture d’Akin est organisée d’une façon… qui fait beaucoup plus déchèterie. C’est à se demander s’il aura de la place pour écrire.
Du côté des leaders, Aurélien et moi procédons aux coordinations des problèmes de la veille. Une fois de plus, sans vous révélez le contenu des conversations ni les notes que l’on a obtenu, on peut dire ceci : les coordinateurs étaient d’une grande bienveillance (la francophilie encore). En revanche, nous étions censés coordonner le problème 1 à 10h après la Bulgarie, mais la coordination de la Bulgarie ayant duré jusqu’à 11h, nous avons patienté 1h devant la salle de coordination. L’occasion d’échanger avec les autres équipes et de nous rendre compte que la France est loin d’être ridicule sur cette première journée !
Nous retrouvons les élèves à la sortie de l’épreuve. Un problème d’arithmétique, un problème de géométrie et un problème de polynômes les ont occupés pendant 4h30. Tous ressortent plutôt satisfaits de leurs trouvailles. Le stress des épreuves peut maintenant laisser place à l’attente de leurs résultats, avec les doutes, les espoirs et les rêves. Serge se sent tellement léger qu’il nous confie qu’il a regardé par la fenêtre entre la 30ème et la 45ème minute de l’épreuve, afin de se donner le temps de se réveiller.
Aurélien et moi devons raccourcir notre repas pour avoir le temps de parler avec Solal de son problème 2, avant d’aller défendre cette copie devant les coordinateurs à 15h. Une coordination menée d’une main de maître par Aurélien nous permet de ressortir le regard triomphant à 15h30.
On retrouve ensuite les élèves dans la cours du lycée Tudor Vianu pour un foot. Même moi je me prends au jeu et les rejoins. Le match oppose la France à la Bulgarie et l’on doit dire que, malgré notre manque d’organisation, nous ne sommes pas complètement ridicules.
Après le match (et une douche), nous allons dîner avec les élèves. Les élèves m’y expliquent que leur professeur a beaucoup apprécié leur production poétique d’allemand. Après cela, Aurélien et moi devons retourner à notre chambre pour la correction des problèmes du jour 2. Les copies d’Auguste nous ont une fois de plus fait beaucoup rire :
Pendant qu’Aurélien corrigeons jusqu’au bout de la nuit, les élèves joue au code Names avec l’équipe Israëlienne. Il s’agit de faire deviner des mots à son équipe par des associations de mot. Maintenant imaginez que les mots étaient en français et que l’équipe israëlienne ne parle pas français (et est donc partie sur des associations de son). Après cela, l’histoire raconte que les élèves seraient allés se coucher, mais les confidences d’un élève resté anonyme révèlent qu’il en est bien autrement. Les élèves ont plutôt geeké à Brawlstar (moi non plus je connais pas, c’est un jeu en ligne sur téléphone, de toute façon je ne comprends plus rien à cette génération, de mon temps on avait un bout de bois et on était très heureux, enfin bref c’est pas le sujet…).
Vendredi 1er Mars : Fin des corrections, résultats, cérémonie
Here is the news ! Coming to you every hour upon the hour.
Pour celles et ceux qui suivent assidument ce petit journal, vous savez que les résultats ont été postés dans l’après-midi. Le récit qui suit à été rajouté après coup.
Le matin, les élèves peuvent faire la grasse matinée pendant qu’Aurélien et moi attaquons les coordinations. Le problème 4 et le problème 6 passent comme une lettre à la poste, tandis que le problème 5 nécessite qu’Aurélien réexplique la méthode du moving point aux coordinateurs. Mais à 11h, nous ressortons conquis de ces coordinations “rondement menées” comme dirait Aurélien. Pile à temps pour pouvoir retrouver les élèves à la visite du musée d’art national, visite organisée par Ana, la guide des italiens (vous savez, celle qui nous adore mais qui avait été vexée par Vincent).
Les élèves étaient impatients de nous retrouver et d’entendre leurs scores finaux. Une fois ce moment passé et quelques anecdotes sommaires sur les coordinations, les élèves commencent à rêver de château en Espagne. On spécule sur les barres de médailles, en pariant sur des barres avec lesquelles tout le monde gagne, on imagine le classement de l’équipe de France… ce qui les aurait presque déconcentré des ma-gni-fiques tableaux que leur présente Ana. Je me prête alors à un nouvea jeu, prendre les élèves en photo quand ils ne s’y attendent pas (c’est particulièrement difficile pour Akin, vous le savez déjà).
On quitte le musée et l’on se rend à l’ancien palais royal qui se trouve juste à côté. Ana nous raconte alors le passé sanguinaire de la fondation de Bucarest : le fondateur, qui aurait d’ailleurs inspiré le personnage de Dracula, avait la fâcheuse habitude de décapiter ses opposants. Bon par contre, on peut dire ce qu’on veut, quand il s’agit de faire construire des beaux bâtiments, il a du goût :
Après cette visite, Ana, qui avait décidément tout prévu, nous emmène dans un restaurant de spécialités roumaines avec l’équipe italienne. Ana nous raconte alors plusieurs anecdotes : l’équipe bulgare de l’an dernier qui ne respectait pas les horaires, l’encadrant italien de l’an dernier qui était particulièrement entreprenant, l’encadrant italien de cette année qui était particulièrement entreprenant cette semaine…Pendant ce temps, les élèves se livrent à une activité très sociable : jouer à Brawlstar sur leur téléphone. Et toujours pas moyen de prendre Akin par surprise. On dirait Barney dans How I Met your Mother (ouais celle-là elle est pas facile)
Aurélien et moi quittons le déjeuner prématurément pour nous rendre à la réunion finale du jury, pour décider des barres de médaille. La décision est assez autocratique, puisque le président du jury anticipe déjà notre accord au moment de nous montrer les barres qu’il a choisies et fait “So… you all agree right ? Fine, then it is over”. On peut donc annoncer les résultats finaux :
Priorité au direct ! Au risque de déplaire à mon fidèle lectorat qui, je le sais, sera déçu, je me vois dans l’obligation d’interrompre provisoirement mon récit de la journée, qui commençait par une dé-li-cieuse visite du musée d’art national roumain (et aussi les anecdotes sur notre deuxième matinée de coordination), afin de vous livrer les superbes résultats de notre équipe :
Membre | Problème 1 | Problème 2 | Problème 3 | Problème 4 | Problème 5 | Problème 6 | Total | Récompense |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Anatole Bouton | 7 | 7 | 4 | 7 | 7 | 0 | 32 | Médaille d'or |
Serge Bidallier | 7 | 6 | 2 | 7 | 2 | 0 | 24 | Médaille de bronze |
Akin Durrüoglü | 7 | 0 | 0 | 7 | 7 | 0 | 21 | Médaille de bronze |
Oscar Fischler | 7 | 7 | 0 | 7 | 1 | 0 | 22 | Médaille de bronze |
Auguste Ramondou | 7 | 2 | 0 | 7 | 7 | 0 | 23 | Médaille de bronze |
Solal Pivron--Djeddi | 7 | 5 | 0 | 7 | 1 | 0 | 20 | Mention honorable |
Total | 42 | 27 | 6 | 42 | 25 | 0 |
Des félicitations s’imposent pour une si belle réussite !
Avec un calcul de score un peu particulier (on garde seulement les trois meilleurs scores des 4 élèves officiels de chaque équipe, pour nous c’était Anatole, Serge, Akin et Oscar), la France termine avec 78 points, soit le meilleur score au RMM de son histoire ! Cela nous classe 5ème de la compétition, ce qui est également notre meilleure performance jamais enregistrée à cette compétition. Avec sa 4ème place, Anatole remporte la deuxième médaille d’or de notre histoire.
Tous les résultats sont disponibles sur le site de la compétition : ici. En particulier, il fallait 21 points pour avoir une médaille de bronze, 25 points pour une médaille d’argent et 30 points pour une médaille d’or.
On rentre alors à l’hôtel pour se préparer pour la cérémonie de clôture. Le plan, c’est de se faire beau pour le moment où les médaillés montent sur l’estrade et reçoivent leur médaille en brandissant le drapeau de leur pays sous les applaudissements du public. Mais bon, ça c’est la théorie. Dans la pratique, les élèves, bien habillés, décident de jouer au foot avant la cérémonie. Je laisse les élèves 10 minutes sous la surveillance d’Aurélien et d’un coup, ce qui devait n’être que quelques passes et jongles se transforme en véritable match.
La cérémonie de clôture est très sommaire : pas de discours long pour féliciter les élèves, pas de spectacle improvisé par les élèves du lycée… on appelle directement les médailles de bronze. Mais 25 personnes sur l’estrade qui veulent toutes avoir leur moment sur le devant de la scène, ça devient vite la guerre (et c’était la guerre aussi chez les photographes, j’ai fait au mieux). Voici donc les photos de nos quatre médaillés de bronze :
Après avoir remis les médailles d’argent, le président du jury est appelé sur l’estrade pour remettre les médailles d’or. Il en profite encore une fois pour prendre le public en otage. Il nous parle encore du nombre 15 qui est chanceux et a été chanceux pour nous. Vient ensuite un raisonnement de type sophisme pour nous tenter (maladroitement) de nous expliquer que les plus heureux sont les élèves n’ayant pas eu de médaille. En effet voyez-vous, le plaisir des maths se trouverait pendant l’étape de recherche plus qu’au moment du résultat. Ajoutez à ça que les médaillés n’ont finalement plus vraiment d’objectifs pour continuer à progresser, et vous obtenez un raisonnement imparable, grâce auquel on sait aussi que plus il y a de fromage, moins il y a de fromage.
Place à la médaille d’or :
Les médaillés d’or étaient tellement à l’aise sur l’estrade qu’à la fin des applaudissements, ils sont restés à sourire. Ils ont donc eu droit à un rappel. Il a alors fallu que la maitresse de cérémonie les invite à descendre pour mettre fin à la cérémonie.
On ne résiste pas au plaisir de quelques photos d’équipe (crédit à Ana, qui malheureusement n’a pas réussi à prendre de photo nette parmi les 18 photos qu’elle a prises :/) :
La soirée se prolonge par le banquet final. On se dit au revoir, entre élèves, entre leaders, entre élèves et guides et on se souhaite de se retrouver aux IMO. Un banquet final ne serait rien sans un concours d’anecdote, qui nous emmène jusqu’au bout de la nuit.
Samedi 2 mars : voyage de retour
Voilà, ça y est. Le RMM est terminé. C’est le moment du voyage de retour, chargé du sentiment du travail accompli mais avec déjà la nostalgie des moments passés.
Le matin, on se retrouve vers 9h30 au petit-déjeuner (nous jugez pas, on avait bien le droit à une petite grasse matinée). J’apprends alors que Solal n’a pas pu dormir dans sa chambre. Il avait en effet laissé sa carte dans sa chambre et n’avait pas fait attention au fait qu’Auguste était parti dormir et a pour habitude de dormir avec des boules quiès pour ne pas être réveillé dans la nuit. Impossible donc de le faire rentrer dans sa chambre. Anatole propose généreusement à Solal de squatter la chambre d’Akin et d’Anatole. Ensuite, je n’ai pas tout compris mais voilà une tentative : Solal commence par s’aménager un lit dans la chambre à l’aide de chaises et de tabourets. Mais Anatole le voyant faire lui offre son propre lit en expliquant qu’il prendra celui d’Akin, qui était absent des négociations puisque dans la salle de bain. Mais ce qu’Akin n’avait pas prévu, c’est qu’Anatole avait emporté avec lui les couettes des deux lits. Akin a donc du dormir en manteau sur son lit. J’avoue c’est confus.
On remonte faire rapidement nos valises, Akin et Anatole partagent avec moi une dernière tisane (parfum orange mangue cannelle) et nous nous partageons quelques items encombrant (du genre les drapeaux, la pancarte France et surtout le ballon de foot durement acquis).
La suite se déroule sans anicroche (Anatole manque de perdre son compas lors des contrôles mais ça c’est la routine) et de 13h à 14h, on patiente comme on peut devant la porte d’embarquement, en discutant avec un participant de l’équipe nordique qui prend le même avion que nous (et qui nous demande humblement le secret pour avoir une médaille d’or). Les élèves m’expliquent aussi qu’ils ont trouvé à quoi faisait le numéro de téléphone que j’ai glissé dans le compte-rendu quelques jours plus tôt : il s’agit de la concaténation des scores d’Aurélien aux Olympiades Internationales et son dernier score au RMM.
Dans l’avion les élèves ne perdent pas un instant, ressortent leur cahier et commencent à chercher de nouveaux exercices, la compétition les a motivés à s’entraîner plus dur encore pour les Olympiades Internationales auxquelles ils comptent bien participer et exceller. Oscar, Solal et Aurélien finissent tout de même par s’endormir, et qui pourra les blâmer après une semaine aussi intense. Quelques bruits d’enfants agités agrémentent notre voyage, mais cela n’a pas l’air d’avoir dérangé Solal qui remarque à son réveil “oh mais il y avait des enfants dans l’avion !” “Oui tu ne les as pas entendus ?” “Si mais je pensais que c’étaient des oiseaux ou des animaux.”
Paris accueille le retour des héros avec le froid et la pluie. Auguste manque d’oublier de reprendre sa valise, mais à part ça, ils sont tous en un seul morceau, seulement alourdis parfois d’un peu de métal rare.
Les adieux devant l’aéroport (Akin et Auguste prennent le train) ne sont que des au-revoir, et ce n’est pas comme si les élèves n’étaient pas constamment en contact.
Tout d’abord, mon récit ne fait pas assez justice au travail d’Aurélien pendant cette semaine, d’une part pour mettre les élèves dans les meilleures conditions pour composer, et d’autre part pour défendre, avec énergie, audace et orgueil, le mieux possible les copies de nos élèves. C’est sans mentionner ses multiples prises de paroles pendant les réunions de jury afin d’améliorer la qualité de la compétition. Sans toujours le savoir, les élèves lui doivent beaucoup et c’est un honneur d’avoir pu travailler avec lui.
Concernant nos élèves maintenant.
Il est difficile, si l’on n’en est pas directement témoin, d’estimer la quantité de travail, d’effort et de talent que ces élèves mettent pour atteindre le meilleur niveau possible dans cette discipline que sont les olympiades. De même qu’il est difficile de se rendre compte de ce que signifient les résultats que les élèves rapportent ici si l’on ne connaît pas bien les Olympiades.
Les élèves eux-mêmes, concentrés sur leur ascension, leur entraînement quotidien et leurs ambitions, peuvent parfois oublier de s’arrêter un instant et de contempler leur progression depuis les hauteurs qu’ils ont atteintes, et n’ont pas toujours conscience de leur admirable parcours et du niveau qu’ils ont acquis. Pour ma part, je suis ému de leur réussite, dont le mérite n’appartient qu’à eux. Et je voudrais leur rappeler ici, au cas où ils en douteraient, et sans chercher à faire de grandes formules, que rares sont ceux qui auraient été capables de résoudre les problèmes qu’ils ont résolus cette semaine et que le mot « exceptionnel » pour parler de leur niveau n’est pas employé avec légèreté.
J’espère avoir pu montrer dans ce récit que ces élèves, en harmonie avec leur passion, sont aussi des personnalités fortes, sympathiques, adorables et attachantes. Ils font de notre engagement un plaisir.