L’EGMO 2023 au jour le jour

La Slovénie accueille du 13 au 19 avril 2023 la 12è édition de l’European Girls’ Mathematical Olympiad (EGMO). La délégation française se compose de Madeleine de Belloy, Eva Jacob, Maryam Kouhkan et Elisa Zheng, avec Anna Luchnikova dans le rôle de team leader et Aline Cahuzac dans celui de deputy leader.

Jour 1 – jeudi 13 avril

Elles sont arrivées par train, par avion, par autobus et en voiture, elles viennent d’Italie, de Suisse, des US, mais elles sont bien arrivées sous le soleil radieux la pluie battante de la côte slovène : l’équipe de France a déjà démontré sa créativité caractéristique pour la première épreuve de la compétition, à savoir arriver jusqu’à Portoroz.

Premières arrivées, premières trempées, Eva et Aline sont accueillies par notre guide et peuvent s’extasier devant leurs chambres 4 étoile avec vue sur la mer – et la pluie, n’oublions pas la pluie. Profitant d’une prometteuse éclaircie après le déjeuner pour se dérouiller les jambes, elles décident d’aller longer la mer entre Piran et Portoroz.

Pendant qu’elle attendent la fin d’une averse de grêle impromptue sous un portique, arrivent Madeleine avec l’équipe italienne (longue histoire) puis Elisa, Maryam et Anna. Convergence menée avec succès donc, et l’équipe est au complet et en polos pour le dîner. Ou presque, puisque les leaders sont exclus des réjouissances principales : pour voir Anna, nous en serons donc réduits à nous donner rendez-vous au spa, commun entre nos deux hôtels.

Hélas, le spa est fermé ce soir. Il nous faut nous rabattre sur le plan B que connaît tout bon stagiaire POFM (ne se laissant pas dépayser par le nombre d’étoiles de son environnement) : écumer les couloirs jusqu’à tomber sur un repaire de jeux de société accueillant, puis rejoindre une partie prometteuse grâce à l’accent californien de Madeleine (très efficace).

Le jeu consiste à cogner son voisin avec un gourdin, voilà une activité saine (qui plaît immédiatement à Maryam).

Néanmoins, tout le monde a dû se lever tôt ce matin (n’est-ce pas Eva) et l’appel de nos oreillers se fait sentir. Ce sera donc une soirée raisonnable. En plus, la pluie devrait cesser justement pour la chasse au trésor du lendemain, et il s’agit de ne pas manquer cet événement.

Jour 2 – vendredi 14 avril 2023

Pour ne pas nous dépayser dès le deuxième jour, la pluie se lève avec nous ce matin et nous accompagne un bout de chemin sur la chasse au trésor qui se déroule entre Piran et Portoroz. Au programme : topographie, dessin, jeux divers, et stratégies pour doubler les autres équipes et ne pas attendre aux stations.

De retour à l’hôtel et sous un beau soleil désormais, nous décidons d’employer la longue pause qui nous est donnée pour le déjeuner à quelques révisions orchestrées par Maryam. Sur le format “la réponse à toutes vos questions sur…”, la séance s’évère fructueuse pour tout le monde, mais moins pour notre déjeuner puisque, là encore pour ne pas déroger à la règle, le lieu et l’horaire ont encore changé. Nous devons donc nous dépêcher un peu plus que prévu, le tout sous le regard noir des serveurs (du moins des serveurs humanoïdes, les robots chat-serveur qui déambulent un peu partout ne nous disent rien de plus que d’habitude).

Nous sommes pourtant à l’heure à la cérémonie d’ouverture ! (notre guide nous a dit que la réputation des français nous précédait, donc qu’il n’était plus surpris de rien avec nous) Le présentateur professionnel est un comédien apparemment champion de récitation des décimales de pi par cœur, ce qui lui vaut des applaudissements d’autant plus enthousiastes que tout le monde craint qu’il ne se lance dans les fameuses deux heures de la mythique litanie.

La présidente et le ministre slovènes, juste à côté de l’équipe de France (c’est qu’elles sont vraiment photogéniques).

Heureusement, les principaux discours sont courts et intéressants : la présidente slovène en personne (qui se propose aimablement de servir de role model pour qui veut), le ministre de l’éducation (ancien leader IMO)… S’ensuit le traditionnel défilé des équipes qui permet au charisme extraordinaire de nos 4 participantes (plus Gabrielle) de rayonner sous un tonnerre d’applaudissements (et celui du groupe de percussions local).

Faute d’arriver à séquestrer la présidente pour une photo souvenir (en même temps, elle a déjà posé à côté de l’équipe pendant 10 minutes de photo officielle), nous traînons tout de même dans la salle d’apparat du Grand Hôtel. Maryam médite en effet un attentat au pull-over balistique contre la Belgique, avant que nous nous fassions mettre dehors pour aller prendre la photo générale. On nous y attend apparemment depuis longtemps, sans que nous soyons au courant : cela semble devenir une constante de référence (ne pas être au courant, le retard disons que c’est une constante variable).

Après quoi, une difficile séance de choix des activités post-concours se termine à la piscine-spa pour celles qui veulent profiter du coucher de soleil depuis un jacuzzi d’eau de mer chauffée. Ayant un peu trop traîné, nous sommes encore mises dehors du restaurant en finissant notre dîner (faire honneur à un buffet, cela prend du temps), mais cela n’a pas l’air de trop stresser quiconque. Le planning du lendemain tarde à se préciser mais à 22h, nous obtenons au moins les horaires actualisées et les consignes jusqu’au début de la première épreuve : c’est donc avec confiance en soi que nous partons dormir pour être au rendez-vous demain.

Jour 3 – samedi 15 avril 2023

Pleines de bonnes résolutions ce matin, nous nous donnons rendez-vous à 7h15 pour partir au petit-déjeuner, ce qui fait que nous y sommes vers 7h30 : belle performance ! Notre guide commence à avoir l’habitude et ne s’étonne plus de rien, puisque nous arrivons à l’heure devant la salle de bal qui sert de hall pour le jour 1. Derniers conseils, dernières photos, et c’est parti !

Trois jolis problèmes occupent ce matin les candidates entre 8h30 et 13h (les deputy leaders les découvrent eux aussi dans une salle voisine, tandis que les leaders attendent patiemment en salle du jury) : algèbre, géométrie, combinatoire. Longue épreuve, beaucoup d’émotions, beaucoup d’impressions, mais un bon déjeuner et une après-midi de détente promet de remettre tout le monde d’aplomb. Pendant que Madeleine et Maryam se défoulent au badminton, Eva et Elisa s’initient à la fabrication de baume à lèvre en cire d’abeille (amateurs de cuisine et de TP de chimie bienvenus) profitent du soleil au balcon et visitent l’atelier mocktails. Pour les participantes, c’est l’occasion rêvée de sociabiliser avec les autres équipes des 5 continents, et de monopoliser sans scrupules la piscine pendant des heures. Le tout sans avoir leurs leaders sur le dos, puisque pour ces derniers, les projets de cours yoga et autres visites de musées se sont en effet transformés en gender equality workshop, suivie d’une activité top secrète (faisant appel à des liasses de feuilles recouvertes d’écritures, de crayon, de hiéroglyphes et de figures). Nous tenons à remercier les talentueuses auteures qui nous ont régalé de leur style inspiré du thriller, du roman feuilleton, du guide naturaliste, de la bande dessinée et parfois de la tragédie shakespearienne. Nous attendons avec impatience la prochaine parution.

Enfin, nous nous retrouvons après le dîner pour égayer les couloirs de nos discussions et espérer faire sortir de leur chambre quelque délégation munie d’un jeu de société intéressant. Malheureusement, il ne sort que des gens qui veulent dormir. Fort déçues et suivant l’exemple d’Elisa, nous devons nous résoudre à les imiter.

Jour 3 – dimanche 16 avril

Pour ce second jour de compétition, on dirait que le programme est déjà une vieille habitude, même les retards à chaque étape sont rodés. Rendez-vous à 7h00(+05), petit-déjeuner, départ pour le Grand Hôtel vers 7h45(+15), dernières discussions où l’excitation se fait déjà sentir, puis à 8h30 (sans retard cette fois) c’est l’entrée en scène de Turbo l’escargot, vieil habitué des problèmes de combinatoire aux EGMO. Il ouvre cette fois le P4, suivi d’un P5 d’arithmétique et d’un P6, une fois n’est pas coutume, de géométrie.

Une petite ellipse temporelle de 4h30 et quelques passages de mouettes plus tard, Anna et moi comprenons à la mine réjouie de nos participantes que l’inspiration était au rendez-vous et que notre atelier salsa du soir risque d’en faire les frais. Qu’à cela ne tienne, comme nous ne recevrons les copies qu’en fin d’après-midi, nous nous invitons discrètement dans la visite guidée de Piran proposée aux candidates (la discrétion échoue quelque peu grâce à certaines retardataires que l’on ne citera pas).

Néanmoins, nous profitons bien du panorama depuis les murs de fortification, sur les Dolomites enneigées, jusqu’à la Croatie, sur le petit port tranquille. La sortie se termine par un petit quartier libre au centre du village (occasion de rendre visite à ses nombreux glaciers ?) dont nous tirons parti pour nous éclipser et vite rentrer prendre livraison de nos copies (presque quasiment à l’heure).

Le reste de la soirée s’étant scindé en deux parties dont une est nettement plus intéressante que l’autre (effectivement pas de salsa), je laisse le reportage photo d’Eva vous faire la publicité de l’eau bleue (ou grise, le débat est ouvert entre Nice et San Francisco) de Slovénie.

Jour 4 – lundi 17 avril

Tandis que les leaders préparent assidûment les coordinations des problèmes font la grasse matinée parce que les corrections ont pris jusqu’au bout de la nuit, les participantes et leur guide embarquent aux aurores pour leur journée d’excursion à Ljubljana. Les bus sont apparemment au goût de certaines, qui rentabilisent les deux heures de bus pour rattraper leur longue journée (soirée) de la veille.

A l’arrivée, le programme commence par une visite guidée du centre historique de la capitale slovène, puis se poursuit l’après-midi par différentes activités. Eva et Elisa se sont inscrites à une expérience de réalité virtuelle et ont pu la combiner avec un laser game avant de rentrer ; Maryam et Madeleine qui ne se lassent pas des problèmes et autres énigmes se sont lancées dans un challenge entre plusieurs équipes internationales qui leur a si j’ai bien suivi donné du fil à retordre.

Pendant ce temps, à Portoroz, se tient le ballet habituel des coordinations soigneusement minutées par créneaux de 20 minutes. Nous obtenons d’abord un point de plus que prévu sur le P6 de Maryam, mais notre enthousiasme est douché par le jury du P2 moins conciliant qui ne donne après de longues tractations qu’un petit point au P1 d’Eva…

Une coordination sans imprévus et qui termine à l’heure enfreindrait toutes les règles de la tradition : le planning est bien évidemment déjà obsolète à midi mais les tractations avancent, et globalement nous obtenons l’essentiel des points partiels que nous demandons. Nous aurions dû finir à 15h30, mais, allez savoir pourquoi ou comment, Anna signe la dernière feuille de scores à 20h40, ce qui donne les beaux résultats suivants :

  • Madeleine 22 points (très joli P3 !)
  • Maryam 21 points (notre géomètre chevronnée)
  • Elisa 13 points (coup fétiche : la récurrence très très implicite)
  • Eva 8 points (battant presque le record de masse de brouillons de Maryam)

Après deux reports, il est décidé de lancer la réunion de clôture pendant que le Kosovo et l’Italie finissent de régler leurs comptes. Tout le monde attend avec impatience la décision des attributions des médailles, qui réserve un certain étonnement : les scores étant très hauts cette année, les barres le sont mécaniquement tout autant et nous devons nous résoudre à ce que les classements soient moins bons que nous ne l’attendions au vu des notes seules :

  • Madeleine et Maryam : médaille de bronze
  • Elisa : mention honorable

(Heureusement, nous avons doublé les deux équipes slovènes, l’honneur est sauf !) La France se range 19è sur 36 pays européens, et 29è sur 55 au total.

Les dizaines de pages d’idées soumises sur chaque problème nous laissent penser que chacune des françaises a été inspirée par les deux sujets, ce qui n’a malheureusement pas empêché quelques erreurs sournoises. Néanmoins nous espérons que l’expérience leur a plu ! Elle nous aura en tout cas fait découvrir des systèmes de pagination qui changent de la progression arithmétique de raison 1 commençant par 1, la variante privilégiée étant la suite stationnaire.

Jour 5 – Mardi 18 avril

Aujourd’hui tout le monde a fini ses devoirs (participantes et leaders) et a donc le droit d’embarquer pour l’excursion du jour : à 9h, nous quittons l’air doux de la mer et mettons le cap sur les fameuses grottes de Postojna. Des dizaines de kilomètres de galeries et de cavernes monumentales s’ouvrent dans la montagne, donc la visite commence par un petit train (un des plus anciens du type) avant la visite guidée dans un dédale de chemins, d’escaliers, de ponts. Davantage que les concrétions de 300 000 ans, les visiteurs semblent plus fascinés par l’animal fétiche de la région, le protée anguillard ou olm ou encore human fish, cousin européen des salamandres et des axolotl, et habitant de ces eaux souterraines. Ceci induit d’ailleurs une certaine cohue au magasin de peluches situé dans la dernière chambre avant le train du retour, mais nous devons renoncer à nos emplettes devant l’énervement du chef de gare, déterminé à remplir ses wagons le plus vite possible quitte à faire attendre ses passagers. Qu’à cela ne tienne nous nous rattrapons dehors, les boutiques ne manquent pas et il y fait meilleur.

Maj n’ose pas nous pousser dehors mais le retour vers l’hôtel presse, nous commençons à avoir l’habitude. La cérémonie est déplacée à l’auditorium caché de Portoroz, auquel il faut se rendre en bus (sans doute plus long que d’emmener tout le monde à pied). Le grand jeu a été sorti puisqu’outre le ministre de l’éducation, le directeur du DMFA et notre impayable champion de pi, l’EGMO est honorée de la présence de Maryna Viazovska, médaille Fields 2022 venue assortie à l’équipe de ses compatriotes (Ukraine). Interludes de harpe, danse en costume clignotant, ponctuent les discours et remises de médailles. 6 biélorusses dont deux belges sont récompensées, le diaporama n’est pas toujours fidèle au son, mais tout le monde applaudit (et nous d’autant plus quand c’est le tour de Madeleine et Maryam). La Chine termine sur quatre scores parfaits, sans grande surprise, puis c’est au tour de la Géorgie de présenter l’EGMO 2024 avec une petite vidéo réussie, en dépit de quelques allusions politiques inattendues.

Avant de retourner au centre des congrès pour le grand dîner de gala et la soirée dansante, nous prenons quelques dernières photos d’équipe (nous avons hâte de recevoir le développement de la pellicule argentique de Maj) sur lesquelles la fatigue commence à se deviner derrière la bonne humeur. Néanmoins, ni cela, ni le copieux buffet, ne saurait empêcher les françaises de danser jusqu’au bout de la nuit. Il paraît même que les plus courageuses se sont jointes au grand bain de minuit (ou de 1h), initié par quelqu’un de peu frileux sans doute, mais qui a eu un fort succès. Nous n’avions en effet pas encore rentabilisé le potentiel complet de l’hôtel sur la plage !