Prologue
Le 26 février Devant la bibliothèque de mathématiques d’Ulm, je rejoins Vincent Jugé, qui me remet les billets de train pour aller à Egmond aan Zee, aux Pays-Bas. Je lui dis, à moitié inquiète, que j’espère que la compétition ne sera pas annulée en raison de cette épidémie qui prend de l’ampleur…
Vincent me rassure : si la situation dégénère, on aura d’autres chats à fouetter que d’organiser des compétitions de maths, non ?
Et bien non, alors que même les Jeux Olympiques sont reportés, une Olympiade résiste encore et toujours à la paralysie généralisée, et décide de faire une édition entièrement virtuelle !
Si la rédactrice de cet article vous assure de sa passion inconditionnelle pour les mathématiques, elle avoue cependant que sa motivation pour
- passer un long weekend de rencontres et de discussions avec des matheux du monde entier,
- rencontrer une équipe de jeunes matheuses passionnées,
- partir en excursions dans un pays qu’elle ne connait pas
- faire une petite correction de copie assortie d’un exercice de rhétorique pour défendre les points
était très légèrement supérieure (un ordinal ou deux, rien de plus) à sa motivation pour corriger seule sur son ordinateur des copies scannées. Elle commence donc par cette invitation au voyage, via cette photo de là où elle n’est pas allée.
Qu’est-ce qu’une Olympiade virtuelle ?
Malgré ces regrets, il y a tout de même la chance d’avoir fait partie de cet événement précurseur, qui a su, avec agilité et résilience, s’adapter aux pandémies.
Le principe est donc le suivant : mêmes épreuves, même durée, mais chacun chez soi, et tous les événements via internet.
Cela a donc commencé par une interview d’une des membres de l’équipe française, Anna Loutchnikova, disponible ici en anglais.
Puis, l’ensemble de l’équipe avait décidé des horaires de passage des épreuves. Ce fut donc le vendredi 17 et le samedi 18. Toutes ensemble intellectuellement, bien que physiquement distantes, Emilie, Elsa, Suzanne et Anna ont affronté les exercices de cette olympiade.
Après ceci, une détente bien méritée, avec ce magnifique gateau pour la famille d’Anna, et des réjouissances en ligne pour toutes, comme un bingo et quelques points culturels sur la Hollande, à moins que ce soit sur les Pays-Bas ?
Quels sont les résultats français ?
Pendant ce temps, c’est parti pour la correction des copies. Pour le premier jour, on commence avec un exercice d’arithmétique demandant une induction un peu particulière à partir de considération sur les valuation 2-adiques. Vient ensuite un exercice d’inégalité pas très folichon, et un exercice sur un point remarquable d’un hexagone presque régulier.
Pour le second, enfin un exercice de combinatoire ! Puis à nouveau de la géométrie, et enfin d’arithmétique ou juste d’inégalités selon la correction.
Le meilleur exercice était bien sûr celui de combinatoire, qui a été réussi par l’ensemble de l’équipe ! D’un autre côté, comment ne pas être stimulée par les permutations folles dans ce contexte bien trop sage ? Quatre preuves différentes ont été proposées par l’équipe française, ce qui ne pouvait pas réjouir davantage la correctrice.
Les corrections n’ont pas été de tout repos. D’habitude, les correctrices, ici Clara et moi, proposent des notes pour chacune des copies. Des coordinateurs corrigent également les copies, et il y a une discussion en cas de désaccord sur la note. Un coordinateur n’est affecté qu’à un seul problème, généralement sur un sujet qu’il apprécie, et voit donc une grande quantité de copie de ce problème, ce qui lui facilite la correction. Les correcteurs nationaux essaient donc d’interpréter la copie de la façon la plus favorable possible, quitte à se faire retoquer quelques points en passant devant le jury qui assure l’harmonisation de la correction.
Ici seul un forum, pour se renseigner ! Pas d’intuition sur si l’équipe pense avoir réussi les exercices ! Pas même de rencontre physique entre correctrices ou de copies imprimées ! Ce doute sera fatal à la correction de l’exercice 1. A la vue des notes, protestations. Nous regardons à nouveau (ou plus exactement Clara regarde alors que je suis en formation), doute, m’appelle, corrige la note de Suzanne, confirme celle d’Anna. On demande de l’aide à la coordinatrice du problème qui accepte le 7 de Suzanne mais refuse de changer la note d’Anna qu’elle trouve juste. Il s’agissait pourtant d’une preuve presque parfaite, qui n’avait pas été prévue par le barème, mais qui aurait sans doute pu mériter un 6 avec une compréhension de la preuve plus tôt, au lieu du 3 retenu !
Mais les autres exercices ont eu du mal à résister aux assauts français. A part le sixième, où le barème était très exigeant même pour obtenir 1/7, tous les problèmes ont rapporté des points, ce qui permet de finir avec les excellents scores suivants :
Participante | Score | Distinction |
---|---|---|
Suzanne Mairesse | 20 | Médaille d'Argent |
Anna Luchnikova | 19 | Médaille d'Argent |
Elsa Lubek | 17 | Médaille de Bronze |
Émilie Zheng | 9 | Mention Honorable |
Une cérémonie de clôture vient confirmer les médailles. Quel bilan donc ? De la frustration de ne pas avoir pu se déplacer, certes. Des émotions, des bons moments sur des problèmes dans l’ensemble très jolis. Mais surtout, beaucoup d’admiration pour ces jeunes mathématiciennes, qui ont su s’adapter aux conditions pour le moins inédites de cette édition 2020. Merci de nous avoir offert cette olympiade confinée !
Divertissement : classer du plus petit au plus grand
- Clicks pour trouver où ils ont caché le barème du jour 2
- Occurences de la lettre n dans une copie, mais en fait c’est pas le même n qu’avant
- Mails de scans de copies
- Livreurs qui s’arrête en bas de mon immeuble alors que je regarde par la fenêtre au lieu de corriger les copies
- Points de l’équipe française
- Commentaires sur le forum où les maths ne sont pas affichés correctement
- Secondes un chouia gênantes dans les vidéos des cérémonies d’ouverture et de clôture où on te demande d’applaudir toute seule chez toi
Aucun corrigé ne sera fourni.