Après ces quelques jours d’émotion intense pour la France, les championnats divers de cet été ne tirent pas tous à leur fin ! Ils étaient huit aux IMO du 7 au 14 juillet, onze sur la pelouse du stade Лужники dans l’après-midi du 15, aujourd’hui, mercredi 18 juillet, c’est à cinq que nous partons pour le championnat méditerranéen mathématique des jeunes. Voici le compte-rendu, plus ou moins au jour le jour, de nos vacances à la romaine.
Mercredi 18 juillet : deux filles et deux garçons en bleu de travail, un ange vêtu de blanc et un petit chaperon rouge
Pour être plus exacte, nous ne sommes encore que trois jeunes mathématicien-ne-s, aux yeux encore lourds d’une nuit trop légère, dans le hall délaissé du terminal 2F de l’aéroport Charles-de-Gaulle. Jean (fraîchement rentré de ses vacances norvégiennes) et Elodie (qui nous vient, elle, d’un Nord moins septentrional…) sont déjà là depuis 6h30, avec quarante bonnes minutes d’avance sur l’heure de rendez-vous que j’avais prévue, assez généreuse… Sans bagage en soute ni groupe d’invétérés bavards, nous avons tôt fait de passer les contrôles et de retrouver Léonie, arrivée par le premier avion de Lyon, devant la porte d’embarquement.
Les 80 minutes d’attente sont studieuses : la durée rappelle singulièrement la format de l’épreuve du matin du MYMC, un QCM de 15 questions à résoudre en équipe, qui rappelle un peu des championnats comme la FFJM, peut-être en un peu plus compliqué. C’est aussi l’occasion de se remémorer les règles de participation au championnat :
- Viva Italia ! Tous les ans, les équipes des pays méditerranéens invités s’affrontent dans une université partenaire dans une des plus villes italiennes ; et malgré la chaleur estivale, quelques jours à Rome ne sont pas pour nous déplaire !
- Travail d’équipe et parité : chaque équipe est composée de deux filles et de deux garçons. Contrairement aux IMO, où chaque élève travaille séparément et où les scores sont sommés pour donner les résultats de chaque délégation, ici, les participants doivent fournir un véritable travail d’équipe pour résoudre le plus de problèmes possible à temps.
- Amitié : spoiler alert, aux MYMC tout le monde gagne des médailles 🙂
- Endurance : une journée d’épreuves = une matinée QCM, une après-midi “débat” (les équipes, groupées par deux, reçoivent chacune trois problèmes ; elles doivent d’abord donner l’énoncé qu’elles trouvent le plus difficile à leur adversaire, puis résoudre les deux problèmes restants et le problème reçu (réciproquement)), et un dernier problème dont la résolution se joue au chrono (la première équipe qui donne la bonne réponse gagne 3,5 points, la seconde 1 point), ce qui permet de conserver un certain suspense tout au long du championnat.
Une petite frayeur nous sort de ces considérations théoriques : Jean a perdu sa carte d’embarquement… Mais bon, on la lui réimprime sans problème sur un des ordinateurs de la porte d’embarquement (c’est donc à cela qu’ils servent ?), et le vol jusqu’à Rome se déroule sans encombre. À peine sortis de l’aéroport Fiumicino, nous tombons sur notre ange gardienne, Sara. Elle étudie en licence à l’université où a lieu la compétition, et va nous guider pendant ces quelques jours. Pleine d’entrain et d’une énergie redoutable, malgré la chaleur qui commence à tomber sur les toits bruns et ocres de la Ville Eternelle, Sara nous prend aussitôt en charge : pas question d’attendre Tristan, qui, en vacances en Italie, nous rejoindra à l’hôtel ce soir ! Les pizzerias, les promenades à l’ombre des pins parasols de la Doma Aurea, la visite d’un Forum majestueux sous le soleil estival n’attendent pas, au grand bonheur de nos estomacs grondeurs, de nos pieds engourdis et de nos yeux ébahis.
Quand estomacs et membres crient enfin grâce, nous rentrons à l’hôtel, tout près de la gare centrale. Il est déjà 18h, et Tristan vient d’arriver. Le temps d’une douche et de mettre un peu d’ordre dans nos affaires, et le dîner est déjà annoncé : antipasti, pasta et tiramisu. Sara, devant la moue timide d’Elodie (qui n’aime pas le tiramisu), est si désolée pour elle qu’elle lui promet solennellement une glace d’ici vendredi (et ça tombe très bien, Elodie aime les glaces ; et elle n’est pas la seule, apparemment…). Après le dîner, on relit une dernière fois le règlement et tout le monde part se coucher tôt : la journée a été longue, et demain, le championnat commence !
Jeudi 19 juillet : comme au lycée, en mieux
C’est aujourd’hui le jour des épreuves : réveil et petit-déjeuner à l’hôtel vers 7h, acheminement vers le bus (nous arrivons à l’heure, et sommes les premiers d’assez loin ! comme quoi, il est plus facile d’être ponctuels dans une compétition de pays méditerranéens qu’avec la Suisse, le Royaume-Uni et le Japon aux IMO…), long trajet jusqu’à l’université de Tor Vergata, réveil sur le parking et petit-déjeuner à la première pause café de la matinée, dans le hall du bâtiment.
On aime : la concision des discours de la cérémonie d’ouverture, l’air conditionné (les épreuves auront lieu dans les salles du département de pharmacologie, dont la température est particulièrement régulée), le café italien.
On aime moins : les épreuves du matin, que les élèves semblent avoir trouvées un peu faciles… même si leur 28/30 leur fait un peu honte (la triste histoire d’une équation diophantienne dont on demande aussi les solutions négatives…), et l’activité “lecture des posters envoyés par chaque pays” pour les chaperons, sur le thème évocateur : “Mathematical topics taught in high schools : trends and perspectives”. Du copié-collé des programmes officiels à la satire du système scolaire albanais, en passant par la présentation du dispositif italien “Liceo matematico” (qui ressemble un peu à nos heures d’accompagnement personnalisé en mieux) et un questionnement existentiel sur l’avenir de la géométrie en France, on apprend plein de choses sur ce qui se passe dans les écoles d’ici et d’ailleurs, les discussions s’engagent… hélas écourtées par le retour des élèves et le déjeuner. Espérons que cette tentative d’ouvrir les débats gagne en ampleur les années suivantes et permette un jour vraiment aux différents pays méditerranéens d’apprendre les uns des autres et d’améliorer leur palette éducative ?
En parallèle, un peu de pub pour l’International Center of Theoretical Physics, à Trieste, présenté le matin, un centre (un peu) de formation et (beaucoup) de recherche qui encourage des étudiants en cours de “graduation” (fin de master, fin de M1 selon les systèmes) et des chercheurs de pays en voie de développement et sous-développés, et leur permet de se former, de faire de la recherche et de participer à des conférences en facilitant les démarches financières et administratives. À noter pour les physiciens, mais aussi les mathématiciens et les biologistes, le spectre de recherche de l’ICTP étant assez vaste !
L’après-midi, l’équipe française surfe sur sa première place : elle gagne ses deux débats, 3-3 contre la Croatie et 4-2 contre Chypre (on aurait préféré l’inverse, pour la beauté du geste…) ; mais malheureusement, la dernière phase balaie les rêves dorés de nos participants : l’Italie, rendant trois secondes avant la France la réponse correcte à l’ultime problème (que ces deux équipes sont les seules à avoir trouvé), gagne les 3,5 points qui la font repasser devant, et la France se retrouve deuxième avec 36 points et une médaille d’argent, contre 36,5 points de l’Italie.
La soirée s’achève sur un coucher de soleil sur l’arc de Trajan et une visite guidée/pique-nique ambulant aux chandelles autour du Colisée et du Forum. On connaît déjà le coin et plusieurs d’entre nous ont écouté en cours de latin, quand ils étaient petits… alors on discute un peu plus loin et l’on se re-raconte l’histoire de Romulus et Remus, puis on amorce un tournoi de pierre-feuille-ciseaux devant l’arrêt de bus désespérément désert… Retour à l’hôtel à 23h passées, tout le monde tombe dans les bras de Morphée.
Vendredi 20 juillet : une matinée casse-tête et une après-midi casse-pieds
Aujourd’hui a lieu la remise des prix, au premier étage de l’opulent ministère de l’éducation italien. Pour le coup, pas moyen de couper aux discours officiels… même si certains résolvent les problèmes 1 et 4 des IMO qui ont eu lieu la semaine dernière, sous le regard attendri (et un brin envieux) de nos anges gardiens. On s’illustre pour avoir oublié le drapeau tricolore pour la photo (mea culpa maxima !), ce qui fait qu’un monsieur en costume nous décroche gentiment l’étendard français qui trône avec les autres, sur l’arrière de la scène. Tout va mieux dès qu’on retourne à nos places : chaque participant a gagné un casse-tête, et tient absolument à l’essayer sur le champ… De mon côté, j’hésite : faut-il être fière d’accompagner des jeunes aussi passionnés ou déplorer leur manque de tenue ? La cérémonie touche heureusement à sa fin, et me permet d’esquiver la dangereuse question.
La photo de groupe nous permet de comprendre pourquoi la cage d’escalier en marbre est si grande, avec une volée de marche de chaque côté. On s’entasse, on sourit, et on part déjeuner.
L’après-midi et son soleil de plomb ne nous découragent pas dans nos projets de marche urbaine : Rome est grande, et nous n’avons qu’une après-midi pour flâner dans ses rues, alors autant en profiter ! On prend le métro jusqu’à la Trinité-Des-Monts, où débute notre ballade. On monte les escaliers, déambule dans le parc de la Villa Médicis, admire l’horloge à eau et cherche en vain le buste de Pythagore en pierre blanche, redescend place du Peuple, s’abrite dans la fraîcheur des églises et basiliques de la Via del Corso, s’interrompt près d’une petite fontaine pour la bataille d’eau qui s’impose sur le chemin de la place Navone, pousse jusqu’au Panthéon, puis, regardant l’heure qui avance bien vite, revient d’un bon pas jusqu’à l’hôtel, en passant bien sûr prendre une glace près de la fontaine de Trevi et en se perdant un peu du côté du mont Quirinal, jusqu’à se qu’apparaisse, au bout d’une rue en zigzag, la silhouette de la basilique Sainte-Marie-Majeure, à partir de laquelle remonter à la gare Termini n’est plus qu’un jeu d’enfant !
Là, nous avons à peine le temps du nous changer et repartons pour le “social dinner” (que d’aucuns espèrent plus “dinner” que “social”…) Le buffet est servi dans un restaurant étonnamment chic du quartier (on comprend pourquoi on nous a interdit tongs et bermudas…et, à voir les regards que lancent les habitués sur cette foule de jeunes qui passe devant leur nez, les jeans ne sont pas conseillés non plus). La partie sociale qui suit n’enchante pas tout le monde : pendant que je me retrouve embarquée dans des danses traditionnelles palestiniennes, Léonie cherche des personnes avec qui jouer au Set (un jeu de carte traditionnel des stages de maths français) et Jean essaie de convaincre Tristan de chanter avec lui le lac du Connémara devant l’assemblée en mal de spectaculaire. Le temps de raccompagner Elodie, un peu fatiguée, à l’hôtel, je reviens juste à temps pour partager leur honte ou leur gloire (selon les points de vue, l’auditorat étant resté assez partagé…) On finit par discuter prépa avec les garçons de l’équipe marocaine sur le chemin du retour, et tout le monde se sépare, ravi et épuisé, aux alentours de 23h30.
Samedi 21 juillet : ce n’est qu’un au revoir…
Les adieux s’étiolent toute la matinée. Jean prend le train de 8h pour l’aéroport, retour en Norvège oblige ; Tristan retrouve ses parents pour continuer ses vacances en Italie devant l’hôtel au moment où les trois filles, seules rescapées, partons par la navette de 9h pour l’aéroport.
À l’arrivée à Fiumicino, ultime surprise : notre avion est annulé ! Mais avec les quatre heures d’avance prévues par notre ange gardien, on peut prendre des vols qui partent plus tôt ! Léonie est redirigée vers un vol direct Rome-Lyon qui part à 11h20 (au lieu du 13h45 prévu), Elodie et moi lui tenons compagnie avant d’embarquer à 12h15 pour Paris CDG, où nous atterrissons sans problème. Voilà, nos aventures touchent à leur fin, de même que les mathématiques olympiques pour nos participants et participantes les plus âgés (scolairement parlant), qui ont leur bac et rentrent pour beaucoup en prépa l’année prochaine… Il ne reste qu’à leur souhaiter bonne chance à tous pour la suite, et à espérer qu’ils reverront leur amis restés élèves en revenant donner des cours, corriger des copies, bref, donner un peu de leur temps pour la POFM !